samedi 19 décembre 2015

FILMS NOIRS, sans domicile fixe : Road House (1948)


Image


Road house / La Femme aux cigarettes (1948)


Réalisation : Jean Negulesco
Scénario : Edward Chodorov d'après une histoire de Margaret Gruen et Oscar Saul
Photographie : Joseph LaShelle
Avec : Ida Lupino (Lily), Richard Widmark (Jefty), Cornel Wilde (Pete), Celeste Holm


Tommy Udo never dies..

A la frontière du Canada, dans une petite ville qui se résume à un routier et ses allentours, le patron et potentat local est Jefty (Richard Widmark). Son ami d'enfance (Cornell Wilde) gère pour son compte le bar-restaurant-bowling. Mais tout se complique quand Jefty engage Lily Stevens comme chanteuse. Morgan voit son arrivée d'un mauvais oeil, et pousse Lily à partir, mais la jeune femme reste et grâce à elle, l'auberge trouve un nouveau souffle...

"Hey, you son of a gun"

Le mythique et effrayant Tommy Udo (rôle emblématique de Richard Widmark du Carrefour de la mort qui valu à l'acteur la reconnaissance et une nomintation aux Oscars) est bien caché derrière le sympathique pote "Jefty", patron d'un routier au début de Road House. Le film démarre lorsque celui-ci fait venir une chanteuse engagée pour attirer la clientèle du piano bar. Mais plus le film avance, plus on se rapproche du dénouement et plus Tommy Udo et son gloussement nerveux et sadique refont surface. Jusqu'au feu d'artifice final. Richard Widmark a déjà atteint une puissance de jeu supérieure faisant de son Jefty davantage que le sociopathe/psychopathe sadique auquel il était abonné, et créant un personnage complexe et imprévisible, tantôt jovial et magnanime, tantôt tyrannique et capricieux. Il est d'ailleurs presque "normal" (juste un peu tyranique sur les bords) jusqu'à ce qu'il découvre que Lily (Ida) le rejette au profit de Pete (Cornel Wilde) qui avait pourtant tout fait pour se débarasser d'elle (il l'a ramène même à la gare pour qu'elle reparte d'où elle venait) et se faisant prier avant d'accepter de lui donner des cours de bowling.
Il est délectable de voir Ida Lupino et Cornel Wilde jouer au chat et à la souris. En dépit de manières peu aimables, et sans doute aussi parce qu'il la rejette, elle est irrémédiablement attirée et finit par voir en lui une bouée de sauvetage, un échappatoire vers une autre vie après de longues années d'errance.
Pour lui, elle est l'occasion de relever la tête alors qu'il semble avoir renoncé à toute ambition, se contentant de gérer les affaires pour le compte de son patron.

Ida Lupino tient ici l'un des rôles les plus mémorables et sensuels de sa carrière.
Son visage est prématurément vieilli (elle a à peine trente ans) par une probable vie dissolue, trop de cigarettes et de scotch, mais c'est parfait pour ce rôle de baroudeuse à la fois fragile (l'actrice est sans doute l'une des plus petites et menues des années 40) et en même temps au caractère bien trempé, même endurcie. Avec elle on est constamment tiraillé par deux instincts : la protéger ou se cacher sous sa jupe. Ida Lupino c'est ça, une figure maternelle forte et une petite brindille qui semble devoir s'envoler au moindre coup de vent.
Jouant de cette ambivalence, le scénario la présente d'ailleurs comme une femme fatale typique de film noir, mystérieuse et provocante (le premier plan sur elle s'ouvre sur ses jambes posées sur le bureau) qui boit et fume beaucoup (et sacage les pianos en y posant ses cigarettes, formidable idée de mise en scène utilisé pour signifier le temps passé). Mais à la surprise des habitués du genre, son personnage devient progressivement une fille bien, loyale à l'homme qu'elle aime même lorsqu'il a des ennuis, et qui ne demande qu'à vivre une vie calme et rangée.

On ne peut la quitter des yeux dans la scene du lac lorsqu'elle improvise un bikini de bain à base de bouts de tissus et de foulards. Elle transforme au final un enième role cliché de chanteuse ringarde en quelque-chose d'unique et d'attachant. La sensualité qu'elle dégage doit autant à son physique qu'à sa voix grave si reconnaissable. Elle n'en a jamais aussi bien usé. Elle chante d'ailleurs avec sa propre voix pour la première fois ("One for My Baby And One More for the Road" sur une partition de Harold Arlen, paroles de Johnny Mercer), alors qu'elle était précemment doublée dans le très moyen The Man I Love (1947) notamment.

Cornel Wilde est impeccable dans son rôle d'homme quelque-peu résigné et bourru (quelque-chose de Mitchum) et a l'occasion lors d'une bagarre de montrer qu'il est également un acteur "physique".
Enfin, il y a le personnage joué par Celeste Holm, pour qui on a un peu de peine et qu'on aurait imaginé jalouse mais qui s'avère au final un personnage trop gentil et conciliant, du genre à se faire tirer dessus à la place du héros.

Road House est-il vraiment un film noir ou plutôt un drame ? On est en droit de ne pas le considérer comme un vrai film noir car on ne retrouve pas ici la totalité des éléments caractéristiques du genre. Le début du scénario pose pourtant les éléments, la femme fatale et deux hommes potentiellement en conflit pour le sexe et le pouvoir. Mais le scénario bifurque rapidement, s'éloignant des stéréotypes du genre même si la fatalité semble planer sur le destins des amoureux.
C'est une réalisation soignée de Jean Negulesco dont c'était ici le premier travail pour la Fox. Son approche psychologique des personnages est nuancée et délicate et c'est appréciable : on a jamais affaire à des caricatures de film noir mais à de vrais personnages complexes.

La photographie de LaShelle, l'un des meilleurs directeurs photo de l'époque (il gagna un Oscar en 1944 pour Laura et fut nominé régulièrement), raccroche le film au noir. Elle est impeccable, en particulier toute la séquence finale se déroulant de nuit dans la forêt.

Image

Star Wars : Le réveil de la force (JJ Abrams - 2015)

Image


La guerre des étoiles (titre original en voie de disparition qui me fait bien plus chaud au cœur que "Star Wars") a initié ma vie de cinéphile, et peut-être plus important a accompagné mon imaginaire de jeux d'enfant pendant des années. Peut-être même avant de voir le film d'ailleurs puisque je me revois encore feuilletant éberlué le PIF Gadget spécial L'Empire contre attaque de 1980.
Après tant de déceptions sur les blockbusters de ces 20 dernières années, mon excitation pour les grosses sorties hollywoodiennes s'est de fait peu à peu émoussée avec le temps. Conséquence, je n'avais qu'appréhension pour cette suite tardive.
J'ai donc commencé cette séance avec la boule au ventre, à vrai dire je crois que c'est la première fois que ça m'arrivait. J'ai été pratiquement immédiatement rassuré.
Alors oui le film n'est pas exempt de défauts mais le fait même de n'avoir qu'une envie, d'y retourner, est déjà un exploit en soi.
J'avais intégré depuis quelques années que Harrison Ford avait perdu son aura. Peut-être depuis Le Fugitif d'ailleurs, son dernier très grand film. Du coup, j'étais très anxieux des retrouvailles avec Han Solo, d'autant plus que Francis Lax n'est plus. Et je n'ai jamais vu la saga en V.O. je dois dire, ce qui m'a posé un problème, ne sachant s'il valait mieux la voir en VF (avec potentiellement de nouvelles voix, qu'en est-il d'ailleurs de Leia ? pour Luc, je suis rassuré maintenant..) ou en V.O. comme je le fais systématiquement depuis quinze-vingt ans. J'ai finalement opté pour la version originale, ce qui m'a peut-être détaché davantage encore des anciens personnages de Leia et Han avec qui s'est donc ajouté une distance supplémentaire. Voix et physique/jeu différent, ce ne sont plus tout à fait les même Leia et Han qu'autrefois qu'on retrouve, inutile de se faire mal. Leurs retrouvailles sont certes sobres (en même temps, ils sont séparés depuis x années non ? et ont probablement développé des contentieux comme tous les ex, cela ne me semble pas déconnant). Personnellement, j'ai bien éprouvé de l'émotion en revoyant Leia (en dépit de son physique si je puis dire). Et la découverte de Luc bien que frustrante m'a fait chialer!

Les bémols :
- les embrassades un peu trop rapidement appuyés entre les nouveaux personnages alors qu'il se connaissent à peine (Poe/Boyega, Rey/Boyega)
- Boyega plutôt moyen, ni agaçant ni attachant pour ma part, dès lors, son personnage n'a que peu d’intérêt
- l'étoile noire n°3 vraiment pas indispensable et qui appuie le côté remake, d'ailleurs son attaque et sa destruction son anecdotiques (à mille lieux de la géniale attaque du premier film).
- le grand méchant complètement naze mais heureusement très peu présent;
- .. pas grand chose en fait, ok Leia n'est plus la Leia de notre enfance mais bon il fallait s'y attendre. Son rôle est très limité, pratiquement anecdotique.

Entre-deux :
C'est un film qui transpire l'ancienne saga par tous les pores au point de frôler le remake. Chaque scène, chaque accessoire (jusqu'aux petites bombes du Retour du Jedi), chaque décor fait écho aux trois premiers films. Presque trop. L'épisode VIII devra se démarquer davantage de l'ancienne saga, créer sa propre mythologie et proposer quelque-chose de différent. Dans ce cas tout ira bien, dans le cas contraire, cette trilogie s'enfoncera dans le bégaiement.

Les qualités :
- Première chose : ON A PEUR POUR LES PERSONNAGES ! Depuis quand c'était pas arrivé dans un blockbuster américain ??? La scène de la passerelle, à ce titre, est formidable. Tout laisse à envisager son dénouement et pourtant on tremble car c'est tellement énorme qu'on ose à peine y croire.
- Adam Driver est très bon, aidé par sa présence physique il faut dire. Je le préfère d'ailleurs largement démasqué (cette capuche, ça fait vraiment trop djeuns). Dans La scène justement, il fait un subtile dosage de sensibilité et de détermination. Les détracteurs trouvent qu'il n'est pas impressionnant, qu'on est loin de Dark Vador etc.. mais personnellement je trouve ça très bien. Y en a marre des méchants très méchants qui sont invulnérables jusqu'à l'avant-dernière seconde et sans âme. Là pour le coup, il y a peut-être un vrai personnage à développer pour la suite. On sait déjà qu'il va recevoir une formation approfondie de son maitre.

- Le cas Luc est très frustrant mais finalement c'est peut-être le gros point fort du film. Il est mythifié et c'est bon! Et à vrai dire, je préfère que ce soit ainsi, qu'on le voit peu mais qu'il soit au centre de l'histoire, plutôt que d'apparaitre dès le début et de n'avoir rien à jouer d'autre que les faire-valoir pour les petits nouveaux. Bien joué pour le coup.
- Visuellement tout est magnifique.
- Les scènes d'action sont compréhensibles, courtes et crédibles, les effets spéciaux plutôt discrets;
- Daisy Ridley, version potelée de Keira Knightley, qui m'avait tapé dans l’œil dès la diffusion du teaser et qui s'avère le personnage central de cette suite; comme Luc il y a 38 ans, on se passionne pour elle dès son apparition. Daisy Ridley/Rey pour moi c'est la sœur jumelle de Ren et la fille de Solo. ça m'a semblé une évidence dès qu'il a commencé à être question de filiation dans le film. Et à la fin, c'est tellement une évidence, cf. l'embrassade appuyée avec Leia, que je me suis demandé si cela n'avait pas été dévoilé "officiellement" sans que je m'en rende compte tellement le rythme est soutenu.
- Oscar Isaac qui semble avoir toujours été dans l'univers de la saga et qu'on ne voit vraiment pas assez;
- Chewbacca retour réussi et surtout BB8 qui fait oublier D2R2.




Image

vendredi 2 octobre 2015

Warren Beatty et Annette Bening dans : Love affair (1994)

Image





Love affair (1994)


Réalisation : Glenn Gordon Caron
Avec : Annette Bening et Warren Beatty


Il s'agit de la troisième version de cette histoire après l'original Elle et lui "Love Affair" en 1939, avec Irene Dunne et Charles Boyer, le premier remake Elle et lui "An Affair to Remember" en 1957, avec Deborah Kerr et Cary Grant.
Versions auxquelles il faut rajouter également le vrai/faux remake Nuits blanches à Seattle "Sleepless in Seattle" en 1993, avec Tom Hanks et Meg Ryan (qui jouait une obsédée du film de 1957, finissant par reproduire la fameuse scène du rendez-vous du 8 Mai en haut de l'Empire State Building.
Cette version de 1994 a un titre français, Rendez-vous avec le destin, je ne sais pas pourquoi car de mémoire, le film n'a jamais eu le droit à une sortie dans les salles françaises et encore moins en VHS, dvd, vod, télé..

Passons tout de suite sur le point faible de cet ultime remake : la réalisation de Glenn Gordon Caron. Sans imagination, sans ambition esthétique, d'une grande platitude et avec des moyens visiblement limités, surtout en comparaison avec la luxueuse version technicolor de 1957 (il y a par exemple souvent pas ou peu de figurants à l'écran autour des deux acteurs). Tout cela donne à cette version des allures de téléfilm. C'est vraiment dommage car le couple Bening/Beatty fait des merveilles au point de se hisser largement au niveau de ses illustres prédécesseurs (voire au delà, pour part et pourtant j'avais un gros faible pour Irène Dunne face à Charles Boyer), exploit qui semblait déjà impossible au moment du premier remake.

Beatty est l'acteur idéal dans ce rôle qui semble avoir été créé pour lui. Son personnage est le playboy et ex-quarterback Mike Gambril, pratiquement le même personnage que son Joe Pendleton dans Heaven Can Wait / Le ciel peut attendre (réalisé et joué par la star en 1978). Alors qu'il est sur le point de se marier avec une millionnaire et star de la télé (Kate Capshaw), il tombe amoureux au premier regard de Terry McKay (Bening), designer d'intérieur et musicienne, au cours du trajet en avion pour rejoindre sa fiancée.
"You know, I've never been faithful to anyone in my whole life." lui dit-il au cours du film. C'est une ligne de dialogue du film qui semble être tirée de leur vie privée et avoir été prononcée pour de vrai à l'issue de leur rencontre sur le tournage de Bugsy durant lequel ils sont tombés amoureux.
Anette Bening est à tomber, moins romantique que Deborah Kerr, plus indépendante et plus forte très certainement, bref plus moderne, et pourtant extrêmement attendrissante.

Image


Le reste du casting est au diapason : la tante, rôle crucial dans l'affaire puisque c'est de sa rencontre avec Terry McKay que naît la liaison amoureuse (la jeune femme ayant alors l'opportunité de voir en son prétendant autre chose qu'un séducteur beau parleur), est incarnée par une Katharine Hepburn tremblotante. Elle est parfaite pour ce rôle à ce moment de sa vie (à plus de 80 ans, 87 en fait, elle n'a jamais jusqu'alors semblé aussi petite et fragile) et son excentricité naturelle ("If I knew I was going to live to 86 I wouldn't have let the maid go") sied parfaitement à ce rôle de grand-mère retirée du monde sur une île sauvage (les extérieurs sont magnifiques d'ailleurs et participent au romantisme et au mysticisme de cette séquence clef). C'est son dernier film.
La connivence Hepburn / Bening est immédiate et surtout, on voit très distinctement dans les yeux d'Annette l'émotion et l'admiration qu'elle éprouve à ce moment là pour la femme et l'actrice légendaire. Acteurs et personnages se confondent alors. Ils savent que le moment est unique et qu'ils ne se reverront probablement plus. Le film prend à ce moment une autre ampleur et l'émotion restera présente jusqu'à la fin. C'est pratiquement un exploit de réussir une histoire d'amour sans absolument aucune nunucherie en 1994. Tels les films de Bogdanovitch, ce Elle et lui est l'alliance de classicisme, de cinéphilie et de modernité.

Quant à Pierce Brosnan, il était décidément dans sa période cocu/ dindon de la farce (puisqu'il tenait le même genre de rôle dans Madame Doubtfire). Il était temps qu'il fasse James Bond..

Kate Capshaw est le pendant féminin de Brosnan, ils sont les amants délaissés par les deux protagonistes de cette histoire d'amour inattendue.

Le scénario de Robert Towne ("l'ancien talent des 70's") et Warren Beatty est assez proche du scénario original, à l'exception notable de la rencontre qui a lieu dans un avion juste avant son atterrissage en catastrophe sur un cailloux du pacifique. La séquence de la croisière mondaine a disparu, remplacée par un sauvetage sur un bateau russe (séquence étonnante durant laquelle les marins russes chantent du Beach Boys et apprennent à Terry McKay à boire à la russe, comme si les scénaristes s'amusaient eux-même de cette réconciliation Est-Ouest inattendue).
Du coup, on ne retrouve pas tout à fait le charme et la magie de la première version, ni la comédie de quiproquos (Deborah Kerr et Cary Grant déjeunant dos à dos scrutés par les autres passagers). Les scénaristes Towne et Beatty auront très probablement jugé que cette séquence ne fonctionnait plus en 1994. Ils n'ont peut-être pas eu tort d'ailleurs. Et puis cela donne surtout au film son indentité proche, évitant le copier-collé. Il y a bien un ou deux paparazzis qui rodent mais Beatty n'en use pas comme prétexte à la comédie.

Privé de ces éléments de comédie, le film se fait plus adulte et réaliste, moins drôle mais plus intemporel tout en étant totalement dans son époque. A ce titre, il réussit le petit exploit d'être pleinement une histoire d'amour des années 90 et ne jamais paraître empêtré dans les mécanismes trop bien huilés de la comédie romantique post-Quand Harry rencontre Sally.
En fait, la seule chose qui intéresse Beatty c'est Annette. Et comme on le comprend! Si elle ressemble physiquement davantage à Deboirah Kerr, elle est souvent plus proche du jeu taquin d'Irène Dunn face à Charles boyer. Elle laisse par exemple croire à Beatty qu'ils se sont déjà connu par le passé, le plongeant dans l'embarras.

"I like watching you move"


Ajoutez à cela une partition romantique juste ce qu'il faut du légendaire Ennio Morricone (dont la musique accompagnait déjà les premiers émois du couple Beatty/Bening dans Bugsy, très proche d'ailleurs dans son style langoureux) ainsi qu'une chanson de Louis Armstrong pour l'ambiance rétro à la woody allen et vous obtenez un film délicieusement romantique (et non une comédie romantique) injustement exclue des écrans français à sa sortie. Trois versions de cette histoire et trois bijoux, qui aurait cru cela possible.


Image

Warren Beatty


Image



Quelques mots sur cet acteur que j'adore (Bugsy et La Fièvre dans le sang dans mon Top100, l'hilarant et capra-ien Bulworth pas très loin, Love affair puis le méconnu Las Vegas, un couple, sans oublier bien sûr John McCabe, Reds et Bonny and Clyde), qui depuis la disparition de Paul Newman représente pour moi l'héritier d'une cool attitude classique (après lui, ce sera Kevin Costner).
Sous ses allures de playboy à la réputation sulfureuse il a démontré dès ses débuts une personnalité, un point de vue et un savoir-faire hors du commun. En outre, il a un don naturel pour la comédie.

Image


A 77 ans, le bougre ne jette pas l'éponge. Après de longues années d'absence , il est plus actif que jamais puisqu'il est réalisateur, scénariste et producteur d'un film annoncé depuis longtemps sur la dernière histoire d'amour du milliardaire Howard Hugues.

Image


C'est quoi Warren Beatty ?
Soiree-warren-beatty-dimanche-04-octobre

De son premier grand rôle au cinéma (La fièvre dans le sang, 1961) jusqu'à Bulworth (1998), il aura cherché et fuit avec la même ardeur les feux des projecteurs. Irrésistible incarnation du mâle américain et collectionneur de femmes, l'acteur-producteur-scénariste et finalement réalisateur oscarisé Warren Beatty incarne à lui seul le génie, la candeur et les excès d'Hollywood.

Devenu, dès l'âge de 30 ans, grâce à «Bonnie and Clyde», prince de ce royaume du cinéma qu'il a passionnément voulu conquérir, il mettra la même obstination à se dérober à ses diktats, se réfugiant dans le silence à intervalles réguliers et rejetant projets et rôles.

Sa flamboyante carrière se lit à l'aune de cette ambivalence, à l'image de la brève campagne à l'élection présidentielle de 2000 que cet homme de gauche entame avec fougue puis abandonne subitement, sans donner d'autre raison que son envie d'être ailleurs.

Avec, peut-être, une exception : «Reds», son deuxième film en tant que réalisateur, couronné d'un Oscar en 1981. Peut-être ce perfectionniste, capable de travailler des années sur un projet qui lui tient à cœur, n'est-il devenu star que pour convaincre les studios de faire du journaliste communiste John Reed, épouvantail de l'Amérique, le héros d'une éblouissante fresque hollywoodienne. C'est l'une des séduisantes hypothèses avancées par Olivier Nicklaus dans ce portrait romanesque, à la mesure de son sujet, composé exclusivement d’images d’archives et de séquences d’animation, qui traverse quarante ans de cinéma, entre modernité et nostalgie.
Image
Pendant vingt ans, Warren Beatty a été le roi de Hollywood, un statut entériné par son Oscar décroché en 1981.
Tel un caméléon, Beatty a su en effet brillamment enchainer les métamorphoses : playboy, jeune premier à succès, producteur, et réalisateur.
En dépit de ces réussites éclatantes, au fil du temps, Beatty s’est mis à tourner un visage de plus en plus ombrageux au monde du cinéma, jusqu’à se faire particulièrement rare ces vingt dernières années.
Beatty vient de mettre un point final à ce qui sera certainement son film-testament, un biopic sur les dernières années du nabab Howard Hughes.

Image 

FILMOGRAPHIE


1959 : Dobie Gillis (série télévisée) : Milton Armitage
1961 : Le Visage du plaisir (The Roman Spring of Mrs. Stone) de José Quintero : Paolo di Leo
1961 : La Fièvre dans le sang (Splendor in the Grass) d'Elia Kazan : Bud Stamper
1962 : L'Ange de la violence (All Fall Down) de John Frankenheimer : Berry-Berry Willart
1964 : Lilith de Robert Rossen : Vincent Bruce
1965 : Promise Her Anything d'Arthur Hiller : Harley Rummell
1965 : Mickey One d'Arthur Penn : Mickey One
1966 : Le Gentleman de Londres (Kaleidoscope) de Jack Smight avec Susannah York : Barney Lincoln
1967 : Bonnie et Clyde (Bonnie and Clyde) d'Arthur Penn : Clyde Barrow (également producteur)
1970 : Las Vegas, un couple (The Only Game in Town) de George Stevens : Joe Grady
1971 : Dollars de Richard Brooks : Joe Collins
1971 : John McCabe (McCabe & Mrs. Miller) de Robert Altman : John McCabe (également scénariste[réf. nécessaire])
1974 : À cause d'un assassinat (The Parallax View) d'Alan J. Pakula : Joseph Frady
1975 : La Bonne Fortune (The Fortune) de Mike Nichols : Nicky Wilson
1975 : Shampoo de Hal Ashby : George Roundy (également scénariste et producteur)
1978 : Le ciel peut attendre (Heaven Can Wait) de lui-même : Joe Pendleton / Leo Farnsworth / Tom Jarrett (également scénariste producteur)
1981 : Reds de Warren Beatty : John Silas « Jack » Reed (également scénariste producteur)
1987 : Ishtar d'Elaine May : Lyle Rogers (également producteur)
1990 : Dick Tracy de lui-même : Dick Tracy (également producteur)
1991 : Bugsy de Barry Levinson : Ben « Bugsy » Siegel (également producteur)
1991 : In Bed with Madonna (Madonna: Truth or Dare) d'Alek Keshishian : lui-même
1994 : Rendez-vous avec le destin (Love Affair) de Glenn Gordon Caron : Mike Gambril (également scénariste et producteur)
1998 : Bulworth de lui-même : Jay Billington Bulworth (également scénariste et producteur)
2001 : Potins mondains et amnésies partielles (Town & Country) de Peter Chelsom : Porter Stoddard
2015 : Howard Hugues projet (également réalisateur, scénariste et producteur)

Le vrai box-office US de tous les temps

Petit rappel : le vrai top 100 du box-office US de tous les temps, avec calcul de l’inflation  :

1. Autant en emporte le vent (1,6 milliard)
2. Star Wars Épisode IV (1,4 milliard)
3. La Mélodie du bonheur (1,1 milliard)
4. ET (1,1 milliard)
5. Titanic (1,1 milliard)
6. Les Dix Commandements (1,09 milliard)
7. Les Dents de la mer (1,07 milliard)
8. Le Docteur Jivago (1,04 milliard)
9. L’Exorciste (927 millions)
10. Blanche-Neige et les sept nains (914 millions)
11. Les 101 Dalmatiens (838 millions)
12. L’Empire contre-attaque (823 millions)
13. Ben-Hur (822 millions)
14. Avatar (815 millions)
15. Le Retour du Jedi (789 millions)
16. Jurassic Park (771 millions)
17. Star Wars Épisode I (757 millions)
18. Le Roi Lion (747 millions)
19. L’Arnaque (747 millions)
20. Les Aventuriers de l’Arche perdue (742 millions)
21. Le Lauréat (717 millions)
22. Fantasia (696 millions)
23. Le Parrain (662 millions)
24. Forrest Gump (659 millions)
25. Mary Poppins (655 millions)
26. Grease (645 millions)
27. The Avengers (644 millions)
28. Jurassic World (650 millions)
29. Opération tonnerre (627 millions)
30. The Dark Knight (624 millions)
31. Le Livre de la jungle (618 millions)
32. La Belle au bois dormant (609 millions)
33. Ghostbusters (597 millions)
34. Shrek 2 (596 millions)
35. Butch Cassidy et le Kid (591 millions)
36. Love Story (587 millions)
37. Spider-Man (582 millions)
38. Independence Day (581 millions)
39. Maman, j’ai raté l’avion (586 millions)
40. Pinocchio (565 millions)
41. Cléopatre (563 millions)
42. Le Flic de Berverly Hills (563 millions)
43. Goldfinger (556 millions)
44. Airport (554 millions)
45. American Graffiti (551 millions)
46. La Tunique (549 millions)
47. Pirates des Caraïbes : Le Secret du coffre maudit (542 millions)
48. Le Tour du monde en 80 jours (542 millions)
49. Bambi (534 millions)
50. Le Shérif est en prison (530 millions)
51. Batman (528 millions)
52. Les Cloches de Sainte-Marie (526 millions)
53. Le Seigneur des anneaux : Le Retour du Roi (517 millions)
54. Le Monde de Nemo (517 millions)
55. La Tour infernale (514 millions)
56. Spider-Man 2 (504 millions)
57. My Fair Lady (503 millions)
58. Sous le plus grand chapiteau du monde (503 millions)
59. Animal College (502 millions)
60. La Passion du Christ (500 millions)
61. Star Wars Épisode 3 (497 millions)
62. Retour vers le futur (495 millions)
63. Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (484 millions)
64. The Dark Knight Rises (483 millions)
65. Sixième Sens (483 millions)
66. Superman (481 millions)
67. Tootsie (477 millions)
68. Cours après moi shérif (476 millions)
69. West Side Story (469 millions)
70. Harry Potter à l'école des sorciers (469 millions)
71. La Belle et le clochard (467 millions)
72. Rencontres du troisième type (466 millions)
73. Lawrence d’Arabie (464 millions)
74. The Rocky Horror Picture Show (462 millions)
75. Rocky (461 millions)
76. Les Plus belles années de notre vie (461 millions)
77. L'Aventure du Poséidon (460 millions)
78. Le Seigneur des anneaux (459 millions)
79. Twister (458 millions)
80. Men in Black (458 millions)
81. Le Pont de la rivière Kwai (456 millions)
82. Transformers 2 (452 millions)
83. Un Monde fou, fou, fou, fou (452 millions)
84. Les Robinsons des mers du sud (451 millions)
85. Vol au-dessus d'un nid de coucou (450 millions)
86. MASH (450 millions)
87. Indiana Jones et le temple maudit (449 millions)
88. Star Wars Épisode II (448 millions)
89. Avengers : L’Ère d’Ultron (458 millions)
90. Madama Doubtfire (442 millions)
91. Aladdin (439 millions)
92. Toy Story 3 (437 millions)
93. Ghost (431 millions)
94. Hunger Games 2 (428 millions)
95. Duel au soleil (428 millions)
96. Hunger Games (426 millions)
97. Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl (424 millions)
98. La Maison de cire (423 millions)
99. Fenêtre sur cour (422 millions)
100. Le Monde perdu (418 millions)

jeudi 1 octobre 2015

Films noirs, sans domicile fixe : L'assassin au gant de velours / Kid Glover Killer (1942)

Image

L'assassin au gant de velours / Kid Glover Killer (1942)


Réalisation : Fred Zinnemann
Scénario: Allen Rivkin, John C. Higgins
Avec : Van Heflin, Marsha Hunt, Lee Bowman [/center]

On a parfois enlèvé à ce film le qualificatif de film noir mais dans ce cas on peut aussi l'enlever de bon nombre de films d'enquêtes policières souvent considérés comme parti prenante du genre noir ( Appelez nord 777 par exemple ).
Noël Simsolo à ce sujet écrivait d'ailleurs : "On peut légitimement s'étonner de voir citer Call Northside 777 et The Naked city dans des anthologies consacrées au cycle noir, classification abusive parce que ces productions n'en appellent jamais à la désignation d'individus luttant avec leurs propres démons. Ce sont des films conçus pour défendre l'ordre des choses et non pour le remettre en question, du moins tels qu'ils nous sont parvenus car Jules Dassin a toujours précisé que ses producteurs avaient transformé son travail sur The naked city en le détournant ainsi contre sa volonté. Un réel apport esthétique découle cependant de ces reportages-fictions : la poésie urbaine venue du tournage en extérieur dans les rues d'une ville. Mais tout dépend du regard du cinéaste sur la beauté des lieux car ces images n'ont qu'un pittoresque de surface si elles ne se fondent pas dans une forme à l'ensemble cohérent. La part documentaire n'a qu'un intérêt décoratif si un univers personnel ne vient pas la colorer de sa propre sensibilité. Cela déborde l'effet du réel. Quand cette forme particulière réintègre la narration d'une fiction , elle ne transforme pas un thriller ou un film à suspense en film noir. Contrairement aux affirmations de certains historiens, il est aussi difficile d'intégrer au noir toutes ces œuvres glorifiant la police (...) ces dispositifs engendrent généralement des films idéologiques, officiels et souvent réactionnaires, qui sont tantôt construits sur l'investigation sous la forme de faux reportage, tantôt teintés d'humanisme à la gloire des forces de l'ordre."

Image


Si Kid Glover Killer n'échappe pas au défaut du didactisme (en présentant en détail les travaux de la police scientifique, je n'ose pas dire les débuts), il est surtout un film très agréable à regarder, plein de charme et divertissant.
J'ai beaucoup aimé ce film qui marque les débuts de Fred Zinnemann à la réalisation d'un long métrage. Un film que l'on pourrait grossièrement qualifier d'ancêtre des Experts et autre NCIS télévisés, à ce détail près qu'il est quand même à la marge du film noir en faisant état de la corruption gangrénant la politique. En effet, le truand est à la fois au cœur du pouvoir, à la tête d'une grande campagne médiatique (affiches et radio) pour le nettoyage de la racaille mafieuse mais également un ami personnel du personnage de Van Heflin, scientifique, criminologue et accessoirement en charge de l'enquête.

Tout commence par l’élection d'un homme politique et de son procureur général (attorney) mais l'on découvre vite que Ladimer (Lee Bowman), l'avocat et star de radio ayant soutenu l'élection et porté au pouvoir le ticket électoral maire/procureur est en fait un homme corrompu et jouant double jeu avec les politiciens pour lesquels il travaille. Lorsque ce dernier réalise que le maire était sincère et sérieux lorsqu'il décrétait vouloir éradiquer la violence et la corruption (le changement c'est vraiment maintenant), il en informe immédiatement ses connections mafieuses et les gangsters passent aussitôt à l'action : l'attorney est tout d'abord retrouvé assassiné, puis le maire est lui-même menacé surtout lorsqu'il découvre avec étonnement que Ladimer a contracté une police de 80000 dollars avec un dépôt de 28000 dollars cash...

L'enquête est confié à Gordon McKay (Van Heflin), un scientifique de la police accompagné de sa jolie assistante Jane Mitchell (Marsha Hunt).
Mais autour d'eux rode Gerald Ladimer qui est aussi un vieil ami de McKay.. Pratique pour surveiller les avancées de l'enquête..
En outre, il s'intéresse de près à la jolie Marsha Hunt qui, il faut le dire est absolument délicieuse dans ce film (amoureuse et piquante à la fois, un peu à la manière de Myrna Loy la décennie précédente).
Van Heflin n'est pas en reste dans ce domaine et fait preuve à la fois de beaucoup d'humour et de charme nonchalant. Le couple star met tellement de charme et de bon humeur que l'ambiance film noir se dissipe au profit d'une ambiance plus romantique.

Image
Image

Et donc comme je le mentionnais précédemment, vous pourrez y voir Ava Gardner dans l'une de ses premières apparitions, en serveuse de drive-in :

Image
Image
Image

mercredi 30 septembre 2015

Mireille Balin dans : L'assassin a peur la Nuit (1942)

Image



L'assassin a peur la nuit est le second film de Jean Delannoy.

Basé sur un roman de Pierre Véry (l'auteur des Disparus de Saint-Agil, Goupi-Mains rouges et L'Assassinat du Père Noël tous les trois édités en Blu ray ce mois-ci) plutôt moraliste (péché, rédemption, pardon), ce film est néanmoins plaisant à regarder en dépit de quelques lourdeurs (comme par exemple la séquence de l'alcoolisme soudain de l'assassin pris de remord après son geste, appuyé par le tic-tac obsédant de l'horloge).

On est vraiment pas loin de l'ambiance d'un film noir américain, en particulier au début car dès que l'action se déplace de la ville pour la campagne, l'atmosphère se fait moins lourde, moins polar, plus mélodramatique.
Si Mireille Balin endosse une nouvelle fois le rôle de la femme fatale et que la mignonne Louise Carletti joue de façon convaincante la gentille fille de la campagne, Delannoy évite de tomber dans la caricature et les stéréotypes. Ainsi, le personnage joué par Louise Carletti n'est pas si naïve et certainement pas une faible proie sans défense tandis que Mireille Balin (Lola Gracieuse) a un rôle nuancé tout comme Henri Guisol alias Bébé-Fakir, le complice.

Jules Berry à l'instar d'un Peter Lorre joue un personnage de serpent essayant de tirer parti des faiblesses des autres (Mireille Balin en l'occurence à qui il fait du chantage).

Le film se termine d'ailleurs pratiquement sur ces paroles : "Personne n'est jamais tout à fait mauvais".

Jean Chevrier qui joue le personnage principal du cambrioleur de talent (et potentiel assassin du titre) n'est certes pas Jean Gabin (j'imagine que le rôle aurait très bien pu lui échoir s'il n'avait pas déjà quitté la France pour les Etats-Unis à cette époque) mais il se débrouille plutôt bien. Surtout, il a la gueule de l'emploi et un charisme naturel. Je le trouve moins convaincant lorsqu'il s'agit de simuler la folie et l'alcoolisme. On reverra l'acteur dans le sublime Falbalas.

Mireille Balin aura travaillé à trois reprises sous la direction de Jean Delannoy : en 1938 pour Vénus de l’or, en 1940 pour Macao l’enfer du jeu (sera interdit dès juin 1940, du fait de la présence de Von Stroheim) et en 1942 pour L’assassin a peur la nuit. Ces trois films ont été commandés par les Productions Minerva.

Image
Image
Image
Image

vendredi 25 septembre 2015

Viviane Romance dans : Naples au baiser de feu (1937)

Image


Naples au baiser de feu (1937)


Réalisation : Augusto Genina
Adaptation : Henri Jeanson, Marcel Achard, Ernesto Grassi.
Avec : Tino Rossi (Mario), Mireille Balin (Assunta), Michel Simon (Michel), Viviane Romance (Lolita), Marcel Dalio (Francesco)


Adaptation libre d'un roman d'Auguste Bailly, paru en 1924 et déjà adapté une première fois à l'écran en 1925 (un film de Serge Nadejdine), Naples au baiser de feu est un drame sentimental joué comme une comédie. Et c'est surtout un pur bonheur, une perle de film injustement oubliée.

Le film s'ouvre sur le personnage de Lolita (Viviane Romance) passagère clandestine d'un paquebot arrivant dans le port de Naples en provenance d’Amérique du Sud. On sait dès la première seconde le genre de "fille" auquel on a à faire : une "aventurière", une fille de petite vertu, prête à tous les mensonges et compromissions pour embobiner les hommes.
Apparaissant dos nu en train de s'habiller dans une cale de la salle des machines tandis que l'ouvrier (noir, détail probablement pas innocent pour l'époque) qui l'a hébergée et qui fut vraisemblablement son amant durant la traversée, vient la prévenir que le bateau est à quai.
Il cherche à la retenir mais elle n'a manifestement plus besoin de lui et s'en va déambuler dans les rues de Naples à la recherche d'un autre gogo. Ce ne sera pas dur, tous les hommes se retournant à son passage.

Il y a du Marilyn Monroe dans la façon de marcher et du Brigitte Bardot avant l'heure chez Viviane Romance. Elle connait son pouvoir de séduction et elle connait les hommes. Elle en joue et s'en amuse (son rire moqueur - toujours face aux hommes - est devenue un peu sa marque de fabrique).
Son personnage est dans la parfaite continuité de celui de la garce briseuse d'amitiés masculines de La belle équipe. En plus élaboré et plus sympathique aussi. L'actrice a cette fois l'occasion d'aller au delà du stéréotype et de développer un vrai personnage sans argent, papillonnant et passant d'homme en homme pour mener sa barque.

A son arrivée à Naples elle se rend à la cathédrale, lieu idéal pour trouver quelqu'un tout en se donnant des allures d'honnête fille. Michel Simon y est organiste et tombe immédiatement dans le panneau. Pris de pitié pour celle qu'il imagine être une honnête fille sans défense, il l'héberge dans l'appartement qu'il partage avec son ami Mario, playboy chanteur de restaurant (trattoria) et potentiellement gigolo pour lequel toutes les filles tombent en pâmoison.

Tourné en partie dans de véritables décors de la baie de Naples, le film a une petite touche d'authenticité et un charme pittoresque indéniable que la réalisation sage, même épurée de Genina n'aurait sans doute pas pu produire dans le cas contraire. Mais la réalisation est soignée : direction d'acteurs impeccable, éclairages somptueux pour les scènes d'intérieur, musique de Vincent Scotto appuyée des classiques intemporels napolitains, et surtout des dialogues particulièrement bien écrits, souvent très drôles et vivants d'Henri Jeanson.

C'est d'autant plus vrai que le casting français se fond parfaitement dans le décor, en partie grâce à la présence du corse Tino Rossi jouant un personnage fait sur mesure pour lui de latin lover et de surcroit chanteur napolitain. Ce qui lui donne surtout l'occasion, comme fera plus tard Elvis Presley, d'interprêter ses succès franco-napolitains entre deux courtes scènes de comédie, heureusement pour lui : "Tarantelle D'Amour", "Santa Lucia", "Mia Piccolina", " Catari, Catari", "Rien qu'un chant d'amour", "Écoutez les mandolines" ou encore, moment savoureux, un "O Sole Mio" repris (saccagé en fait) par Michel Simon, c'est à voir!

Si le film met en avant la super vedette du music-hall (Tino Rossi est le seul nom à apparaître au générique avant le titre du film), Naples au baiser de feu est un vrai film et pas un simple prétexte pour exploiter sa popularité. Aussi le scénario ne tourne heureusement pas autour du fade Tino Rossi, beau gosse (à cette époque bien loin de l'image du pépé papa Noël immortalisée), acteur limité mais chanteur au succès démentiel (il est recordman absolu des ventes de disques et le seul français à rivaliser avec Elvis, les Beatles ou Michael Jackson parmi les plus gros vendeurs mondiaux de disques toutes époques confondues).

Autour de lui c'est la fête avec quelques-uns des tout meilleurs acteurs de l'époque :

Michel Simon (qui tient ici un rôle proche de ce que pouvait faire Fernandel chez Pagnol -le film a d'ailleurs un côté Femme du Boulanger inversé, celui du bon gars brave et un peu naïf qui se fait avoir par les femmes), Dalio truculent en photographe aussi excité par sa voisine de balcon qui lui fait du gringue que pleutre et terrorisé par Tino/Mario lorsque ce dernier s'en rend compte, la délicate et classieuse Mireille Balin dans un rôle à contre-emploi puisqu'elle abandonne son personnage de femme fatale (éprouvé dans Gueule d'amour, Pépé le moko, et plus tard dans L'assassin a peur la nuit..) pour jouer la gentille fille face à la bombe sexuelle Viviane Romance qui crève l'écran et s'impose alors définitivement alors comme la superstar féminine de l'époque. Leur unique confrontation fait d'ailleurs immédiatement des étincelles, sage fiancée et fille de mauvaise vie se jaugeant au premier coup d’œil.

Mais tandis que Michel intercède auprès de la tante Thérésa (et accessoirement patronne du trattoria) afin de négocier la main et la dote d’Assunta/Mireille Balin pour lui, Mario cède peu à peu devant les avances et les charmes de Lolita. Assunta ne s'y trompe pas : inquiète, elle fait avancer la date du mariage. Le jour des noces, il disparait avec Lolita, brisant amour et amitié par la même occasion. Rapidement il comprend qu’il s’est trompé…

Michel / Michel Simon : Comment la trouves tu ?
Mario / Tino Rossi : Et toi comment l'as tu trouvé ?
Image


Le personnage de Lolita "ne vit que pour être désirée" comme lui dit un Tino/Mario jaloux avant de tabasser un type parce qu'il la regarde de manière un peu trop insistante.

Le charme et la sensualité naturelle de l'ex Miss Paris font des étincelles dans un de ces personnages de garce allumeuse dont on lui avait fait une spécialité. Elle est délicieusement sexuelle : silhouette parfaite, poses suggestives, yeux aguicheurs, démarche et voix sexy, passant une nouvelle fois beaucoup de temps dans sa tenue favorite : sous-vêtements et porte-jarretelles légendaires (qui marquèrent à vie le jeune Gilles Jacob comme il le relata lui-même dans son livre «Les Pas perdus» ...c'est comme ça que naît la cinéphilie).

On aura jamais vu un tel érotisme dans le cinéma français de cette époque.
Viviane Romance s'installait alors comme la vamp française n°1, sans égale jusqu'à l'arrivée 20 ans après du phénomène Bardot, version femme enfant au corps parfait d'une même sexualité émancipée.

"Partout où j' allais ma présence créait des scandales" dira t-elle plus tard. Sa carrière qui était sur le point de franchir un nouveau cap en 1939 avec un Marcel Carné (Le Facteur sonne toujours deux fois) et un Renoir (La Tosca avec Michel Simon dont le tournage aurait du se faire en Italie) qui étaient prévus, subit un coup d’arrêt avec l'entrée en guerre. C'est d'ailleurs Michel Simon qui exigea la présence de Viviane Romance dans la distribution du film, condition pour accepter d'être le partenaire de Tino Rossi dont il n'appréciait guère les qualités d'acteur. A la libération, sur la demande de Julien Duvivier, c'est elle cette fois-ci qui dût convaincre Michel Simon d'accepter d'être le Monsieur Hire de Panique. Les deux monstres sacrés avaient une admiration réciproque.
Leur complicité est d'ailleurs évidente à l'écran, il fait le mariole (tours de passe-passe et massacre de O Sole et mio) et la fait rire. Quant à Dalio, il avoua dans ses mémoires qu'il désirait Miss Romance mais qu'elle avait une telle façon de lui dire "Non" qu'il lui était impossible de réitérer sa demande. Source: Henri Danty

Tino Rossi et Mireille Balin entamèrent quant à eux une relation amoureuse lors du tournage.
Mireille Balin signa à cette époque un contrat avec la MGM et partit pour les États-Unis. Malheureusement, elle ne s'entendit pas avec les producteurs américains et rentra rapidement en France avec Tino. On sait ce qu'il advint. Sa relation avec lui pris fin en 1941. Sa relation suivante avec Birl Desbok, officier viennois de la Wehrmacht lui sera fatale.

Un nouveau remake, Flame and the Flesh, fut produit, en 1954, par la MGM cette fois et avec une autre bombe sexuelle (vieillissante): Lana Turner, qui semblait destinée à récupérer les rôles tenus ou prévus pour Viviane Romance.

mercredi 23 septembre 2015

Mireille Balin dans : Menaces... d'Edmond T. Gréville (1939)

En septembre 1938, un hôtel du Quartier latin à Paris est le lieu d'habitat transitoire d'étrangers - qui ont fui l'Europe de l'est soumise aux nazis - et de Français bienveillants, paniqués par une guerre mondiale imminente.

Menaces... d'Edmond T. Gréville est un étrange film dont la valeur est avant tout historique puisqu'il nous présente l'atmosphère lourde et inquiétante de cette année 1938, à travers la vie d'un hôtel accueillant notamment des réfugiés de tous horizons.
Quand on sait à quel point l'arrivée imminente de la guerre bouleversa la vie des participants au film (interdiction de tourner de T. Gréville, destin tragique de Mireille Balin, nouveau départ de Stroheim alors qu'il s'apprêtait à réaliser et jouer dans La Dame blanche, écrit avec Jean Renoir, aux côtés de Louis Jouvet et Jean-Louis Barrault). Le film lui-même a subit les marques de la guerre (scènes coupées avec Balin et images de la libération rajoutées pour sa ressortie après guerre).
Ce n'est vraiment pas si courant un film des années 30 qui parle aussi clairement de son époque. Menaces est pour cela un film de valeur. Le film était considéré comme suffisamment politiquement engagé (même antinazi) pour valoir à Gréville de se faire retirer sa carte de travail par Vichy. Il continuera plus ou moins à travailler avec celui qui l'avait fait débuté d'ailleurs..

Mireille Balin, toujours la classe incarnée, est comme déjà triste et tragique (loin de la femme fatale qui avait fait sa gloire face à Gabin).  Et pourtant elle est amoureuse.
Il y a aussi et surtout de très belles scènes avec Stroheim, impressionnant avec son masque couvrant la moitié de son visage ("Je porte sur mes épaules le double visage de la paix et de la guerre").

Stroheim et son médecin :
"
- Vous êtes un citoyen du monde.
- C'est à dire de nulle part."



Un autre dialogue d'exception tiré du film, entre deux personnages au moment de la mobilisation :

"
- Moi les gens de Droite j'ai jamais pu les blairer.
- Y a ni droite ni gauche en ce moment. On est griffton. Toi qu'est-ce que t'es dans le civile ?
- Moi j'suis socialiste.
- Et moi croix de feu, tu t'rends compte!
- Seulement n'empêche que tu vas aller te bagarrer contre les dictateurs.
- Eh ben et toi ?
- Mais moi c'est mes convictions.
- Mais moi c'est pour qu'on aille pas nous enquiquiner chez nous. Si on avait eu une France forte..
- Naturlich, les dictateurs, t'en pinçait pour leur pomme! Seulement maintenant qu'ils veulent effacer les démocraties, ben tu commences à apprécier !
- Mais Apprécier quoi ?
- Ben la liberté eh p'tite tête!
- Non la France.
- La France et la liberté c'est la même chose."


Image



Image
Image
ImageImage