lundi 24 août 2015

Viviane Romance dans : Le Puritain (1938)



Le Puritain (1938)


Réalisation : Jeff Musso
Avec : Jean-Louis Barrault, Viviane Romance, Pierre Fresnay
Scénario : d'après le roman de Liam O'Flaherty
Durée: 81'

Ferriter est un jeune journaliste puritain à l'extrême. Révolté par l'attitude d'une femme à la moralité douteuse, il la poignarde une nuit après s'être glissé dans sa chambre.
Le commissaire chargé de l'affaire est sur sa piste mais n'a aucune preuve contre lui. Un soir, le désespoir pousse Ferriter à déambuler dans les rues. Il y rencontre Molly, dont la beauté et l'immoralité lui inspire un mélange de fascination et de répulsion.


Jean-Louis Barrault (Ferriter) est de tous les plans dans ce drame/policier. Mais ce sont les deux seconds rôles principaux qui crèvent l'écran : Pierre Fresnay et une Viviane Romance qui fait des ravages lorsqu'elle apparait dans le rôle d'une fille des rues au bout de 3/4h croisant le chemin de Jean-Louis Barrault perdu en plein Sodome. On ne la verra que 20 minutes mais impossible de l'oublier.

Le film est un thriller à la Clouzot avant l'heure, mettant en scène, outre Barrault et Romance, un Pierre Fresnay savoureux déjà dans les habits du commissaire Wens qui feront sa gloire (Le dernier des six, L'assassin habite... au 21). Il s'appelle ici Commissaire Lavan, mais tout y est déjà. Clouzot n'a eu qu'à reprendre un personnage pratiquement clef en main.
L'atmosphère y est poisseuse et la présence au casting du visqueux Jean Tissier (que l'on retrouvera dans les deux Clouzot face à Fresnay) accroit encore plus cette impression. Fréhel est également de la partie.

Barrault porte le film sur ses épaules. Il en fait beaucoup (un peu trop à mon goût à vrai dire, mais c'est sans doute le genre de performance qui devait impressionner à l'époque) en fanatique intégriste catholique en proie à une descente aux enfers.
Devenu aigri depuis qu'il crève de jalousie pour une voisine de palier, il dit, au cours de son duel psychologique avec Fresnay, avoir découvert l'hypocrisie de notables, "des canailles" "qui cachent leurs ambitions personnelles sous le masque de la morale et du patriotisme". Il y est vaguement question de société secrète (une allusion aux groupuscules d'extrême droite actifs dans les années 1930 ?) mais on en saura pas plus. Comme ils ont refusé de soutenir sa plainte contre un fils de bonne famille aux mœurs légères, il agit cette fois de lui-même, persuadé de suivre des instructions divines..
Un sujet qui avait sans doute vieilli un temps mais qui sonne malheureusement d'actualité aujourd'hui.

Réalisé par Jeff Musso (pas manchot à priori, il y a dans ce film un sens du cadre assez exceptionnel je trouve) qui ne fera pas grand chose d'autre (excepté Dernière jeunesse, avec Jacqueline Delubac, Pierre Brasseur et Raimu), le film reçut le prix Louis Delluc en 1938.




dimanche 23 août 2015

I Love Trouble (1948)



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I Love Trouble (1948)


Réalisation : S. Sylvan Simon
Scénario : Roy Huggins
Avec : Franchot Tone, John Ireland, Janet Blair, Janis Carter, Adele Jergens

C'est un scénario de l'excellent Roy Huggins, auteur notamment de Too Late for Tears / La tigresse (avec dieu Dan Duryea) et surtout de Pushover avec Kim Novak que l'on vous propose ici.

A l'origine, il s'agissait d'une nouvelle, The Double Take, publiée en magazine. La Columbia en acheta les droits en 1948 et Huggins signa un contrat avec le studio pour l'adapter et en faire un film qui s’appellera donc I Love Trouble, titre pas forcement meilleur d'ailleurs. A partir de là, Huggins entra dans l'industrie cinématographique en travaillant sous contrat en tant que scénariste pour Columbia et pour RKO Pictures. En 1952, il mis en scène lui-même son propre script Hangman's Knot / Le relais de l'or maudit, un western, plutôt faible de mémoire, avec Randolph Scott et Donna Reed (dvd dispo). Mais c'est pour la télévision que Roy Huggins fera son travail le plus illustre puisqu'il sera le créateur de la série Maverick (avec James Garner et dans lequel Louise Fletcher fit ses débuts) et surtout surtout du Fugitif, l'une des plus illustres séries de tous les temps dans lequel sont d'ailleurs combinés des éléments du film noir (un homme victime d'une machination et de circonstances qui le dépassent) et même un peu du western (l'errance d'un solitaire au cœur de l'Amérique).

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Mais revenons à I Love Trouble, une autre histoire de machination crapuleuse, d'ailleurs. Le film met en scène Franchot alias Tone Stuart Bailey, un détective de Los Angeles.
Petit aparté : le détective Stuart Bailey sera d'ailleurs repris dans Girl on the Run / Le témoin dangereux réalisé par Richard L. Bare en 1958 ainsi que dans la série TV 77 Sunset Strip, toujours d'après un scénario de Roy Huggins.

L'argument :
Un homme riche (le solide Tom Powers) engage Stuart Bailey, un détective privé, pour enquêter sur le passé de son épouse. Le détective découvre qu'elle a été danseuse et qu'elle a vécu dans sa ville natale avec un acteur. Ce dernier est tué avant d'avoir pu parler à Stuart mais, avec l'aide d'une danseuse, le détective apprend que l'épouse avait utilisé les papiers dérobés à une amie pour entrer à l'université après qu'elle a volé 40 000 $ dans le night club où elle travaillait. Stuart apprend par la suite que le mari a tué son épouse quand il a découvert son passé afin d'éviter un scandale et qu'il doit servir de bouc émissaire.

On est ici totalement dans l'esprit et la tradition de Raymond Chandler et ce film fera inévitablement penser à The big sleep / Le grand sommeil réalisé par Howard Hawks à peine deux ans auparavant ainsi qu'à Murder, My Sweet, l'autre Marlowe, avec Dick Powell. Même ambiance, même enquête d'un détective de L.A. qui se trouve tour à tour manipulé et aux prises avec de jolies filles. Et l'histoire est bien sûr bien alambiquée, l'essentiel étant dans l'ambiance.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la comparaison entre Humphrey Bogart/Dick Powell/Philip Marlowe et Franchot Tone/Stuart Bailey n'est pas du tout en défaveur de Franchot Tone, bien au contraire. L'acteur y est extrêmement convaincant en détective privé, y compris avec toutes ces dames qu'il rencontre ou séduit au cours de l'enquête.
Tel Bogart avec Martha Vickers et Dorothy Malone, Franchot Tone passe de fille en fille, au point qu'on s'y perd un peu par moments : en premier lieu la très belle Janet Blair (My Sister Eileen) qui sort du lot, mais aussi Janis Carter (Framed avec Glenn Ford, chroniqué ici), Adèle Jergens (vue notamment aux côté de Marilyn dans Ladies of the Chorus), Lynn Merrick, Claire Carleton, Roseanne Murray (on s'y perd d'ailleurs un peu parmi toutes ces mauvaises filles plantureuses). Il y a aussi la piquante Glenda Farrell (Le Petit César, Lady for a Day) plutôt là pour apporter de la légèreté et son comique naturel au récit.

Franchot Tone se révèle franchement à son aise dans le noir, lui qu'on avait surtout vu dans des rôles romantiques et des comédies (il avait tout de même déjà officié dans le genre, dans Les mains qui tuent/Phantom Lady de Siodmak en 1944). Il use quand il faut de son air coquin ou bien fait des sous-entendus. Les dialogues sont gratinés, ce qui permet au film de ne jamais être pesant. D'autant plus qu'il n'est pas le seul. Il y a par exemple un passage surréaliste avec une serveuse loufoque (Roseanne Murray) ou encore cet échange entre Curtis pointaint un flingue vers Franchot Tone/Bailey et qui lui sort : “this is a gun in my hand” ce à quoi Bailey répond nonchalamment : “yeah, I’ve seen one before” (on se croirait dans La rivière rouge lors du concours de tir..).

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La réalisation de S. Sylvan Simon est inspirée et souvent audacieuse. Le réalisateur (mort prématurément trois ans plus tard après un nouveau film avec Janet Blair sur un nouveau scénario de Roy Huggins, The Fuller Brush Man) se montre très prometteur.
Outre le beau travail sur les ombres grâce à la photo travaillée de Charles Lawton Jr. (le visage d'une victime éclairée dans la nuit par les lueurs du quai, par exemple), on a droit successivement à des plans suggestifs (un meurtrier dont on ne voit que le revolver), de beaux split screens lors des appels téléphoniques, des mouvements de caméra et des panoramiques délicats.
De jolis plans aussi, comme ce moment où Franchot Tone se réveille sous un lit (où il s'était caché exténué) avec deux chaussures à talon de femmes sous le nez, superbe idée de mise en scène.
A noter également quelques effets "spéciaux" originaux, comme l'effet tourbillon de l'image pour renforcer l'étourdissement de Franchot Tone lorsqu'il est estourbi un John Ireland alias Reno assisté - excusez du peu - par Raymond Burr l'homme de fer en personne.. un peu too much pour le frêle Franchot Tone!

Le film n'est pas que léger loin de là et quand ça cogne, ça cogne dur. Comme dans les meilleurs noirs.

L'image est en triste état et je ne sais pas si on aura droit à un dvd restauré (je dis bien restauré) un jour. Mais c'est le cas de tellement d'autres, comme Pitfall (1948, de Toth avec Dick Powell et Lizabeth Scott), Fear in the Night (1947, dispo en DVD mais non restauré, Le Maître du gang / The Undercover Man (Glenn Ford, un dvd tout juste correct), Impact (1949, de Lubin avec la garce Helen Walker), The Gangster (1947, avec Barry Sullivan), et donc Too Late for Tears (Dan Duryea et aussi Arthur Kennedy) attendent également leur tour...

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jeudi 20 août 2015

Viviane Romance dans : L'Esclave blanche (1939)

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Dans L'Esclave blanche, drame exotique de 1939, Viviane Romance, alias Mireille, une jeune parisienne moderne et de caractère, va de surprise en surprise lorsque, après avoir épousé par amour un diplomate turc occidentalisé, et suivit son mari dans son pays d'origine la Turquie elle découvre petit à petit le sort réservé aux femmes.
D'emblée, elle se confronte avec sa nouvelle belle-mère qui pousse son fils à parler fermement à son épouse plutôt qu'à lui parler d'égal à égal comme il l'a toujours fait jusque là. Elle se révolte ensuite lorsqu'elle découvre que sa jeune belle-sœur d'à peine 14 ans doit épouser "un vieux barbu", le pacha en personne (Saturnin Fabre!).
Lorsqu'elle fait irruption dans une salle remplie d'hommes, elle crée un scandale qui oblige son mari à monter le ton contre elle.
Mais elle prend tout cela au début avec légèreté et rigolade. "Oh, on va me couper la tête avec un grand sabre!" s'amuse t-elle devant son mari, allant même jusqu'à fermer les yeux, à contre cœur tout de même, lorsque son mari accepte la seconde femme (Mila Parély) que le sultan lui fait en cadeau.

Dalio : "Alors tu penses que nos mœurs sont différents ? C'est vrai que dans ton pays on épouse qu'une femme à la fois.. mais plusieurs successivement".

Après Les lettres persanes mais avant Angélique et le sultan et bien plus tard Jamais sans ma fille, Viviane Romance, très loin pour l'occasion des rôles de femme fatale ou de garce dans lesquels on cherchait à l'enfermer, s'avère très convaincante en femme amoureuse mais indignée, prise au piège en pays musulman. L'exotisme du sujet est propice à un réquisitoire féministe contre le patriarcat. Elle va dès lors tenter de s'échapper.. Le dénouement sera un peu facile mais on aura passé un agréable moment par la même occasion.

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Au casting, on trouve donc Saturnin Fabre en Djemal Pacha le Boucher mais également Marcel Dalio, méconnaissable avec la barbe en sultan Soliman, ainsi que Mila Parély (Geneviève de Marras, la maîtresse de Dalio dans La règle du jeu).
Dalio partage donc une nouvelle fois l'affiche avec Viviane Romance après La maison du maltais (1938), Naples au baiser de feu (1937) et avant La Tradition de minuit (1939) et Maya (1949). Les deux acteurs étaient bien parmi les plus en vue et sollicités en cette fin des années 30 et tout deux auront à subir, de manière très differente, les contrecoups de la guerre.

Viviane Romance verra des projets de films majeurs annulés, pour Renoir, Duvivier mais surtout un Facteur sonne toujours deux fois préparé par Marcel Carné et qui aurait été mémorable avec Jean Gabin. C'est les américains qui le feront finalement ..
Dalio lui se réfugiera en Amérique tourner dans des productions aux côtés d'excusez du peu : Jennifer Jones, Edward G. Robinson, Charles Boyer, Barbara Stanwyck, Gene Tierney, Walter Huston, Victor Mature, Betty Grable, Edward G. Robinson, Laraine Day, George Sanders, Joan Fontaine, Rita Hayworth, Ginger Rogers, Lauren Bacall, et bien sûr Humphrey Bogart et Ingrid Bergman dans Casablanca.

A la supervision du film (réalisé officiellement par Marc Sorkin), Romance retrouve également le grand G.Wilhelm Pabst deux ans après Mademoiselle Docteur/Salonique Nid d'Espions.

J'ajoute ce commentaire de mon ami Henri Danty : Viviane Romance très à l'aise dans les rôles naturalistes qui lui sont confiés jusque lors séduit son public lequel est déçu quand elle interprète le rôle d' une femme du monde fût elle féministe , rebelle ou insoumise.Le film à sa sortie, sera bien accueilli;,son retour étant très attendu. Elle sera pressentie par Marcel Carné dont le projet est de réunir Gabin et Romance dans "Le Facteur sonne toujours deux fois" dont il a acquis les droits.Il se rend sur le plateau de l'Esclave Blanche mais rencontre G.Flamand, le mari de la star lequel exprime ses prétentions de remplacer Gabin pressenti et fait capoter le projet. Viviane n' en saura rien......Une série de malentendus ruineront sa carrière mais Carmen sera un triomphe.

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mardi 18 août 2015

Les Amants Du Tage (1955)

Les Amants Du Tage (1955)

Quelques plans suggestifs ci-dessous tirés du mélodrame d'Henri Verneuil.

Le film balance entre érotisme léger et romantisme ennuyeux. Henri Verneuil sait bien mettre en valeur la plastique parfaite de Françoise Arnoul sans qu'il soit nécessaire de montrer quoique-ce-soit. La sensualité de l'actrice est à son comble, elle crève l'écran couchée sur un lit ou allongée sur une plage..
Le baiser sur la plage fait inévitablement penser à Tant qu'il y aura des hommes réalisé deux ans auparavant tandis que le scénario lorgne un peu vers Le facteur sonne toujours deux fois ou Gueule d'amour et autres films noirs des années précédentes dans lesquels le héros masculin doute de l'honnêteté de son amante.

Daniel Gélin me semble un peu léger pour ce genre de rôle. Il joue bien certes mais entre l'époque Gabin et le futur Delon, il ne fait qu'assurer une pâle transition. Ce constat est injuste car il a davantage le physique de l'emploi pour ce rôle de cocu qui ne veut pas se faire avoir deux fois.
Est-ce la faute aux acteurs ou aux dialogues ? Ils sont de Kessel mais le fait est qu'on s'ennuie un peu lorsque les deux amants s'expliquent. On préfère admirer Françoise Arnoul que de l'entendre dire des "je t'aime" qui tombent à plat.
Mais le film a des atouts. Comme l'ambiance portugaise très bien rendue (les femmes en noir sur la plage de Lisbonne, par exemple, ou ces très beaux plans de petites rues en pente avec le linge qui sèche).
Il bénéficie en outre d'une belle musique de Michel Legrand, pas assez mise en avant à mon goût puisqu'on l'entend surtout lors de la grande scène finale.

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J'emprunte ces photos stakhanovistes..
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lundi 17 août 2015

Caprices (de Léo Joannon, 1942)

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Caprices (un film de Léo Joannon, 1942)

Deux jeunes gens riches se jouent la comédie. Elle, actrice de renom, se fait passer pour une pauvre fleuriste, lui, homme du monde distingué, se camoufle en escroc. Ce jeu va les entraîner dans une série d'aventures.

En dépit d'un argument de départ assez léger (un quiproquo sur la condition sociale de Danielle Darrieux qu'Albert Préjean prend pour une Cendrillon des bas quartiers alors qu'elle est une actrice habillée en fleuriste) et d'un scénario un peu décousu et parfois farfelu, c'est une comédie délectable qui a du faire rêver les spectateurs lors de sa sortie durant l'occupation. Les français avaient alors besoin de rire et de légèreté, et c'est bien le programme qu'on leur proposa. Sur des dialogues d'André Cayatte, les deux comédiens s'en donnent à cœur joie, leurs personnages faisant justement tout ce qu'ils ont envie au moment où ils en ont envie, se jouent la comédie, se font plaisir. Darrieux est particulièrement à la fête, ayant l'occasion de jouer à simuler être une pauvre marchande puis à faire l'actrice mondaine et sophistiquée, porte cigarette à l'appui.

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Une tandem de comédie Prejean/Darrieux (formé déjà en 1936 à l'occasion du film Quelle drôle de gosse! du même Léo Joannon) qui rappelle par certains côtés celui que formaient au même moment en Amérique William Powell et Myrna Loy mais avec des tempéraments inversés (à la fantaisie de Powell répond celle de Darrieux tandis Préjean est davantage, en contraste, dans la sobriété et le charme élégant comme l'était Myrna Loy).
On poussant plus loin la comparaison on pourrait même dire que Darrieux et Préjean annoncent les Richard Gere et Julia Roberts de Pretty woman. C'est un riche homme d'affaires, très généreux avec ses conquêtes féminines, et qui se prend un temps pour le prince charmant venu sauver Cendrillon. Sauf que bien sûr Darrieux est une fausse Cendrillon, et ne joue bien entendu pas une prostituée .. mais une actrice (ce qui n'était pas si éloigné pour certains esprits de l'époque).

Les scènes Préjean/Darrieux sont toutes savoureuses, à l'exception peut-être d'une scène chantée et doublée il me semble, qui a sérieusement vieillie. Il y a notamment une scène cocasse de diner durant laquelle le couple est au restaurant et où Darrieux craint de voir l'immense lustre de la salle lui tomber sur la tête. Elle exige qu'on l'enlève, affole toute la clientèle qui part convaincue que le lustre bouge. La scène se termine par la chute du dit lustre uniquement causé par la tentative de démontage. Et tout cela alors que le couple ne consomme finalement rien.

Un mot sur Jean Parédès très drôle dans le rôle de Constant, le valet un peu trop zélé et dévoué d'Albert Préjean, au point d'être jaloux de Darrieux. Parédès et Darrieux jouaient déjà ensemble l'année précédente dans le gros succès Premier rendez-vous d'Henri Decoin.

Une production Continental.
Christine Leteux : Le film a été écrit par Raymond Bernard et Jacques Companeez avant la guerre pour la société Majestic Films. En panne de scénario, Léon Joannon a fait racheter les contrats du films par la Continental et s'est approprié le sujet le film en menaçant Bernard et Companeez, qui étaient tous deux juifs et en danger. Cayatte n'a servi que de prête-nom sans connaître tous les ressorts de cette sale histoire.

Toujours pas de dvd/BR Gaumont à l'heure qu'il est.. :fiou:

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Je rajoute au passage ces célèbres photos de Darrieux et Viviane Romance (entre autres) en partance pour Berlin :

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Films noirs, sans domicile fixe : Alias Nick Beal (1949, John Farrow)

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Alias Nick Beal / Un pacte avec le diable (1949)


Réalisation : John Farrow
Avec: Ray Milland, Audrey Totter, Thomas Mitchell
Scenario : Jonathan Latimer, Mindret Lord


Alias Nick Beal, un film de John Farrow de 1949 avec Ray Milland et Thomas Mitchell assez peu évoqué. Il s'agit d'une nouvelle transposition du mythe de Faust dans l'univers du film noir mi-fantastique mi-satire politique. Dans le registre de la satire/parabole politique, on est quand même loin du Capra de référence de L'homme de la rue et Mr Smith au Senat. Le scénario m'a paru ultra-prévisible et lourd (voir les passages avec la bible, on se croirait dans Dracula). Je crois bien que les films mettant en scène le diable m'ennuient particulièrement (sauf si c'est dans le registre comique).

Mais le film est sauvé par l'interprétation très inspirée du britannique Ray Milland (dans le rôle casse-gueule du diable, à la fois charmant, mystérieux et inquiétant, froid et rusé) qui était certainement à cette époque dans la meilleure passe de sa carrière. Il a la quarantaine triomphante, beau et charmant alors.

Une décennie fantastique commence pour lui en 1939, lorsqu'il acquiert une notoriété définitive en partageant la vedette de Beau Geste, réalisé par William Wellman, avec Gary Cooper. Durant la seconde guerre mondiale, alors qu'il travaille comme instructeur dans l'armée de l'air, il continue pourtant de faire des films. Il tourna excusez du peu pour Cecil B. DeMille (Les naufrageurs des mers du sud, 1942), Frank Borzage (dans le splendide Till We Meet Again en 1944 que j'avais chroniqué ici), Mitchell Leisen trois fois (Arise, My Love en 1940 sur un scénario de Billy Wilder déjà, Les nuits ensorcelées en 1944 et Les anneaux d'or en 1947), Fritz Lang (Espions sur la Tamise, 1944), John Farrow trois fois (Californie terre promise en 1947, l'excellent noir La grande horloge en 1948 et un western raté en 1950, Terre Damnée).
Et surtout pour l'immense Billy Wilder également à deux reprises (le génial Uniformes et jupon court en 1942 puis bien sûr The Lost Weekend en 1945, drame sur l'alcoolisme qui lui vaut un Oscar et un prix d'interprétation à Cannes)!
Mitchell Leisen et John Farrow trois fois, Billy Wilder deux fois en à peine quelques années. On peut dire qu'il était apprécié par ceux pour qui il travaillait!
Alors qu'il avait débuté plutôt dans des rôles romantiques et des comédies légères, comme Le docteur se marie (de Alexander Hall, en 1940, dont vous trouverez la chronique ici), il incarna progressivement des rôles de plus en plus sombres dans lesquels il excellait, avec comme point d'orgue bien entendu le mari assassin dans Le crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock. Par ses expressions du visage subtilement inquiétantes et son grand talent, son physique se prêtait aux personnages ambigus.

Dans Alias Nick Beal, il compose avec grand talent un personnage maléfique dont la seule présence, parfois en retrait en arrière plan suffit (pour mieux manipuler ses victimes avec qui il joue comme aux marionnettes). Son Nick Beal apparaît et disparaît sur un caprice. Sans besoin de beaucoup de mots, Milland lui donne le pouvoir à travers ses yeux et ses expressions : un demi-sourire narquois ou un regard qui tue.

Outre Milland, vous reconnaitrez le second rôle Roger Mitchell qui joue le politicien candidat au poste de gouverneur (contre un certain Kennedy!) et qui pactise peu à peu avec le diable. Personnellement, je le trouve trop léger pour être totalement crédible en homme politique d'envergure. En revanche, il joue toujours bien (souvenez vous de lui en oncle menant à la faillite dans It's a wonderfull world) les hommes indécis et faibles, se laissant facilement manipuler.

La présence magnétique d'Audrey Totter en revanche me comble de bonheur. C'est une actrice que je trouve toujours parfaite dans le film noir, qu'elle soit la mauvaise fille manipulatrice, vénéneuse à souhait, ou bien la gentille fille .. un peu manipulatrice quand même ou à l'insu de son plein gré comme ici où elle est également victime des manipulations du diable Ray Milland et de la tentation (un manteau de vison sur une femme est toujours imparable dans le noir!), se métamorphosant en quelques minutes de fille de rue en femme du monde. C'est probablement mon actrice de film noir favorite, en faisant abstraction des stars à l'incursion occasionnelle dans des films à plus gros budget (Gene Tierney, Barbara Stanwyck, Susan Hayward...).

Alias Nick Beal est un film tout à fait honorable que se laisse voir mais si l'on a déjà vu ce genre de film faustien (de Gérard Philippe à De Palma), on a une forte impression de déjà vu et de lassitude qui gâche un peu le plaisir.
Si ça vous intéresse, je suis tombé par hasard sur ce site référençant les films dans lesquels il est question du diable.


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samedi 15 août 2015

La Fausse Maîtresse (1942)

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La Fausse Maîtresse (1942) d'André Cayatte (officiellement en tous cas!), d'après un conte d'Honoré de Balzac.

Un rugbyman invente une fausse aventure avec une trapéziste de cirque pour cacher au monde son véritable amour et détourner les soupçons de son meilleur ami, dont il courtise la femme depuis un moment. Évidemment, la trapéziste en question rejette ses vraies-fausses avances, ce qui est propice à des situations de comédie face aux amis du jeune homme.

Le scénario est tarabiscoté et l'on a beaucoup de mal à croire en une Danielle Darrieux acrobate de cirque, surtout lorsqu'elle fait un grand numéro en haut du chapiteau accrochée par les pieds à une corde.
En outre, Darrieux pousse la chansonnette lors de la même représentation. Cette fois, je pense que c'est elle qui chante (une chanson d'amour à la Rina Ketty, "Les fleurs sont des mots d'amour" pour laquelle un vinyle sortira, avec la mention "Créé par Danielle Darrieux, sur disque Odéon par Marie José).
Le problème du film en fait c'est qu'on ne la voit pas assez. Le film aurait sérieusement gagné à avoir une intrigue resserrée autour des deux-trois personnages principaux. Là, il y a presque trop de personnages secondaires. On s'ennuie quelque-peu, à l'exception des quelques scènes de confrontation/séduction entre l'actrice (toujours aussi gaie et piquante) et son partenaire masculin, Bernard Lancret. Et encore celui-ci n'est pas à la hauteur du talent de sa partenaire et s'avère bien fade. Darrieux sauve tout le film du naufrage et survole la production. Elle bénéficie, il faut le dire, de quelques bonnes répliques.
Dommage car l'argument était propice à une comédie de boulevard réussie. Peut-être que Cayatte n'était pas le meilleur choix pour ce type de film. En tous cas, il n'était visiblement pas assez conscient du joyau qu'il avait à sa disposition.

J'ai noté une réplique du film qui m'a marquée, tenue par un personnage de vieux schnock :
"La génération actuelle est trop prosternée devant la femme. De mon temps, l'homme décidait sans demander la permission"
Dans un film d'après guerre, cette réplique aurait été clairement moqueuse envers le personnage qui la tient. En plein régime de Vichy, on ne sait qu'en penser..

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lundi 10 août 2015

Films noirs, sans domicile fixe : Boys Town (1938)

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Boys Town (1938)


Réalisation : Norman Taurog
Avec: Spencer Tracy, Mickey Rooney, Henry Hull

Boys Town Gang

Après Les aventures de Tom Sawyer, Norman Taurog s'attaquait à la jeunesse délinquante avec Des hommes sont nés (Boys Town) puis Men of Boys Town avec Mickey Rooney et Spencer Tracy. Le film dramatise et exalte l'action du père Edward J. Flanagan (décédé en 1948), qui fonda dans les années 1920 un village autogéré pour les enfants abandonnés du Nebraska. Le film garde une excellente réputation aux États-Unis bien qu'on puisse légitimement le trouver sur-côté en raison de son sentimentalisme débordant. Bien que sa réalisation soit soignée, Norman Taurog use et abuse en effet des violons et de répliques larmoyantes ("Vous aviez dit que si on était gentils, tout le monde nous aiderait."). Cela en irritera plus d'un allergique aux bons sentiments typiquement américains.. Il parait que c'était l'un des films favoris de Louis B. Mayer. :lol:

Si Mickey Rooney est insupportable (on a régulièrement l'impression qu'il parodie James Cagney), en revanche Tracy est absolument parfait. Il gagna son second Oscar pour son incarnation sincère et humaine du père Edward J. Flanagan (à qui il rendit d'ailleurs hommage). Il est l'image idéale de l'homme d'église bon, humble et bienveillant (tout l'opposé, par exemple, de l'évêque de Fanny et Alexandre).
Durant toute sa carrière, Tracy fut prêtre à quatre reprises! La première fois, ce fut en 1936 dans le rôle du prêtre Tim Mullin, l'ami d'enfance de Blackie Norton alias Clark Gable dans San Francisco de Woody Van Dyke, puis Edward J. Flanagan dans Boys Town (1938) et sa suite Men of Boys Town (1941), et enfin Matthew Doonan dans The Devil at 4 O’Clock de Mervyn LeRoy, en 1961. Pourtant, il ne fut jamais à l'aise à l'idée d'incarner ce type de rôle, craignant de ne pas être pris aux suffisamment au sérieux par les catholiques. Il se devait d'être totalement convaincant.
Dans la biographie de l'acteur, il est dit que Flanagan écrivit lui-même à Spencer Tracy quand il apprit qu'il avait accepté de jouer son rôle : "Your name is written in gold in the heart of every homeless boy in Boys Town because of the anticipated picture you are going to make for us, and everybody here — and all of our alumni — are talking about you, thinking about you, and praying for you every day."

Tout compte fait, je laisse ce texte ici mais le film flirte tout juste avec le film criminel. On est très loin d'un Angels with Dirty Faces auquel je m'attendais et que j'aurai mieux fait de me repasser à la place..
Vous l'aurez compris, vous qui aimez le film noir, passez votre chemin.

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samedi 8 août 2015

Films noirs, sans domicile fixe : Le Faucon au Mexique (1946) et autres Faucons

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Le Faucon au Mexique (1946) et autres Faucons


Réalisation : William Berke
Avec Tom Conway, Mona Maris, Martha Vickers


"The Falcon" est un serial des années 40, dans la lignée de ces films populaires produits dès le milieu des années 30 et mettant en scène des détectives amateurs dans des enquêtes plus ou moins légères. La finalité était la résolution d'un crime, d'un vol ou d'une mystérieuse énigme, en compagnie de jolies femmes parfois fatales (Barbara Hale, Martha Vickers, etc) et d'un partenaire/sidekick (Allen Jenkins, notamment). En vulgarisant, c'était un peu l'équivalent de nos séries télévisées des années 60/70, de Colombo à Chapeau melon et bottes de cuir.
Des films de détective comme ont pu l'être par exemple la série des Thin Man, mais malheureusement -pour ce que j'en ai vu- dénué de l'humour et du charme prodigués par William Powell et Myrna Loy (et Asta).
Je pense également au Saint dont le faucon fut d'ailleurs un moment accusé de plagiat. C'est d'ailleurs Georges Sanders qui démarra, à l'initiative de la RKO, la série des faucons en 1941, un an tout juste après la création du personnage de Gay Lawrence alias Le faucon par l'auteur Michael Arlen, et la publication de sa première aventure dans le magazine Town & Country. Le même Georges Sanders qui, quelques mois auparavant, était encore Simon Templar alias Le Saint (dans The Saint in Palm Springs, sa dernière incarnation).

Quatre films du faucon pour Georges Sanders, Le Faucon gentleman détective (1941), Le Faucon mène l'enquête/The Gay Falcon (1942) et Le Retour du Faucon (1942), avant de passer la main dans La Relève du Faucon (1942), sans doute lassé par ce genre de rôle sans grand intérêt. Le faucon, Gay Lawrence, est alors remplacé par son frère, Tom Lawrence, et ..Georges Sanders aussi.
Pour celui qui n'est pas au courant, effectivement, Tom Conway qui reprend le rôle du faucon dès 1942, a une voix qui intrigue, on dirait vaguement Georges Sanders, avec néanmoins un ton plus neutre, moins aristocratique/suffisant..anglais. Tom Conway était le propre frère de Georges Sanders.

Tom Conway sera le faucon dans neuf films supplémentaires. C'est un acteur qui fait le job, sans plus. Un acteur solide mais qui n'avait pas le charisme de son frère.

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Dans Le Faucon au Mexique, Tom Lawrence, le Faucon, rencontre par hasard Dolores Ybarra, une mystérieuse jeune femme qui lui demande de l'aider à récupérer une peinture soi-disant volée. Dans la galerie d'art, deux révélations attendent le Faucon : le propriétaire de la galerie est mort, et le modèle du tableau - réalisé par un peintre disparu depuis 15 ans - n'est autre que l'étrange jeune fille. Une drôle d'enquête commence qui conduira le Faucon jusqu'au Mexique.

L'intrigue se passe donc, comme son titre l'indique, principalement au Mexique. C'est assez pitoresque et souvent à la limite du condescendant yankee (cf. le personnage du vrai-faux chauffeur de taxi bien serviable et avec fort accent, qui s’avérera en fait être un membre de la police local). Il est dit que des plans ont été récupérés de "It's All True" d'Orson Welles.

Pour ma part, l'un des intérêts majeurs du Faucon au Mexique (1944), je dois bien l'avouer, est la présence au casting de Martha Vickers, qui apparaît ici au générique sous son vrai nom Martha McVicar. Elle joue la fille du peintre qui croit avoir des visions de son père lors de rêves nocturnes.
C'est deux ans avant son apparition la plus célèbre, en allumeuse aux bras d'Humphrey Bogart, dans Le grand sommeil. Martha Vickers était une starlette qui avait commencé comme top model et à qui David O. Selznick fit signer un contrat. Mais sa carrière n'a jamais explosé, bizarrement. Elle avait tout pour devenir une star pourtant, mais elle ne réussit jamais à sortir du lot et à passer à des rôles de premier plan.