samedi 23 septembre 2017

L'Économie du couple (2016, de Joachim Lafosse)



L'Économie du couple (2016, de Joachim Lafosse)

Après plusieurs années de vie commune, Marie et Boris décident de se séparer. Fille de bonne famille, elle travaille et gagne bien sa vie, tandis que lui accumule les petits boulots périodiques. Elle a financé l'achat de la maison tandis que lui l'a rénovée, apportant ainsi une plus-value. Lorsqu'ils décident de vendre leur maison, la question est désormais pour eux de savoir quelle part chacun doit recevoir...


Un film qui prend aux tripes pour qui a vécu ce genre de situation (ou pas d'ailleurs, preuve de sa force émotionnelle).
Après [i]Le Passé[/i], Bérénice Bejo récidive et donne l'impression d'être désormais maître de sa carrière. Elle est aujourd'hui l'une des actrices françaises les plus intéressantes à suivre. On peut facilement imaginer qu'elle aurait été la dernière muse de Claude Sautet s'il avait pu continuer à faire des films aujourd'hui.
Mais il n'y a pas qu'elle à l'écran, loin de là. Cédric Kahn est pour moi LA révélation de l'année. Il avait déjà attiré mon attention dans des seconds rôles récents ([i]Les Anarchistes [/i]et [i]Un homme à la hauteur [/i]dans une scène très réussit avec Dujardin pendu à un placard) mais là pour la première fois je pense, il a l'occasion d'impressionner dans un premier rôle, ce qu'il fait.
Voici un sérieux "concurrent" à Vincent Lindon et Olivier Gourmet au titre de meilleur acteur français/francophone.
Et, chose de plus en rare dans ce genre de film réaliste, on a droit ici à un véritable épilogue et non pas à une fin facile en "eau de boudin".

Voici donc probablement le meilleur film français de l'année 2016.

samedi 22 avril 2017

Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)






Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)



En 1958, la jeune Marla Mabrey débarque à Hollywood pour devenir actrice. Elle fait la connaissance de Frank Forbes, un jeune chauffeur ambitieux arrivé quelques semaines auparavant à Los Angeles. Tous deux vont alors se faire employer par le célèbre milliardaire Howard Hughes. Ils finissent par tomber amoureux, malgré les règles imposées par leur imprévisible patron.


En découvrant cette ultime réalisation de Warren Beatty, on pense inévitablement à Aviator, les deux films traitant du même personnage mythique d'Howard Hughes à la différence prêt que le scénario se concentre ici sur la dernière partie de la vie du milliardaire. Beatty est d'ailleurs au moins 30 ans plus âgé que son personnage mais cela passe très bien, d'autant plus que Hughes lui-même était prématurément vieilli d'une quinzaine d'années suite à un grave accident d'avion lors d'un essai. Il portait d'ailleurs un chapeau pour masquer une partie de son visage balafré. Rules don't apply pourrait donc être la suite d'Aviator, il y a d'ailleurs dans les deux films le même épisode célèbre du décollage de l'hydravion king size, le "Hercules", si le ton n'était pas si différent, résolument plus léger et mélancolique chez Beatty (à son image!), dramatique et romantique que chez Scorsese.

Au delà d'un nouveau portrait du milliardaire, rapidement, c'est à Warren Beatty, la légende d'Hollywood auquel on pense quand on est fidèle de l'acteur-réalisateur-producteur, dernier géant (avec Redford et Eastwood) d'une génération bénie d'acteurs ayant débutés à la fin de l'âge d'or d'Hollywood. Beatty boucle en quelque-sorte la boucle avec ce film sur le Hollywood de ses débuts (le récit se passe en 1958, Beatty commence officiellement sa carrière en 1959). Qu'il s'agisse de Bugsy, Bulworth ou de ce biobic sur Howard Hugues (et même dans une moindre mesure de Reds), on retrouve dans chacune de ses réalisations, en sous-texte, la personnalité de Beatty qui innerve le personnage, souvent incontrôlable et en marge, semblant avoir toujours un temps d'avance sur ses interlocuteurs quitte à passer à moitié pour un fou ou au mieux pour un excentrique iconoclaste. Une personnalité également traversée de gravité et d'une profonde mélancolie sublimement exprimée ici par la 5ème symphonie Adagietto de Mahler.

Ainsi, une fois encore, l'acteur constitue le centre de gravité du récit qui n'est cependant pas un biopic. Un peu à la manière de Life, le film d'Anton Corbijn évoquant James Dean à travers un photographe, on observe ici Hawks/Beatty à travers les yeux du jeune assistant à tout faire Frank Forbes dont l'ambition secrète est de proposer au milliardaire de l'associer dans son rêve immobilier aux alentours de Mulholland drive.




Warren Beatty met l'accent sur la peur de vieillir d'Howard Hawks, sa paranoïa (justifiée, il fut suivi et mis sur écoute pendant des années par les fédéraux) et son obsession du contrôle d'image (il employait des sosies, plus jeunes, chargés de se faire passer pour lui là où il n'était pas), écartant d'autres traits de sa personnalité hors normes davantage mis en avant par Scorsese comme son obsession hygiéniste. Pas de kleenex ici donc mais tout de même de savoureuses anecdotes sur la peur des maladies vénériennes ou ses consignes pour la protection des parties intimes des jeunes filles. En filigrane de ces obsessions, il y a le rapport au père ("toujours là" par la transmission de l'ADN) et à la mort : toute sa vie, Hawks aura été un fils et refusa la paternité. Beatty fut père pour la première fois en 1992, à 55 ans, après une longue vie de "célibat".

Pour les deux jeunes protagonistes, Marla, la starlette innocente venue de Virginie accompagnée de sa mère (Annette Bening) pour passer des essais à Hollywood et Franck, jeune ambitieux en quête de financements pour ses projets immobiliers, les rêves passent par l'ogre milliardaire, véritable prédateur sexuel vampirisant la jeunesse.
Marla est un personnage fictif mais elle pourrait très bien être le substitut de la jeune Terry Moore venue avec sa mère et avec qui Hughes se maria en croisière, cérémonie qui ne fut pas reconnue par la justice lors du décès du milliardaire en 1976. Hughes promis le mariage à plusieurs actrices, sans parler de toutes celles avec qui il eut des relations de Lana Turner à Cyd Charisse, la liste serait trop longue (en gros toutes les plus belles filles d'après-guerre).
Pour jouer Marla, Beatty a fait des merveilles dans la direction d'acteur en misant sur la peu remarquée Lily Colins (précédemment Blanche neige dans la version avec Julia Roberts..) qui trouve ici de belles nuances, alternant constamment entre innocence ingénue et audace.
Le jeune Frank Forbes est lui incarné par le très bon Alden Ehrenreich aperçu dans Blue Jasmine (il jouait le fils de Jasmine/Cate Blanchett) et Ave Cesar! des frères Coen, et qui tente actuellement l'impossible : reprendre le rôle de Han Solo). C’est un acteur qui en fait peu mais réussit parfaitement à faire passer l’essentiel.




A noter que le reste du casting est de grande qualité : Annette Bening, Ed Harris, Haley Bennett (la starlette qui monte), Oliver Platt (fidèle à lui-même). On y trouve également les savoureux Alec Baldwin (qui jouait Juan Trippe dans Aviator), Matthew Broderick (très bon dans un second rôle d'homme à tout faire) et Martin Sheen (reprenant le rôle de Noah Dietrich joué par John C. Reilly dans Aviator).

Au-delà du double portrait Hughes/Beatty, le film raconte une belle histoire d'amour contrariée entre deux jeunes ambitieux. J'ai cherché pendant un moment à quoi ce mélodrame tragi-comique me faisait penser et finalement trouvé. Il y a dans Rules don't apply un petit quelque-chose de la tragédie Marius-Fanny-Panisse. Mais je n'en dirai pas plus..

"Rules don't apply", ce titre (à la fois du film et de la chanson écrite par Marla dans le film) s'applique aussi parfaitement à Beatty lui-même. Il aura mené sa carrière (et sa vie privée) comme il l'entendait jusqu'au bout, producteur de presque tous ses films, souvent scénariste et réalisateur (comme Clint Eastwood, sauf qu'il n'a jamais renoncé à se mettre en scène).

L'épilogue est pour la légende. Beatty tire lui-même littéralement le rideau sur son personnage. Sur l'écran et sur sa carrière.

Bye bye le héros que j'aimais.

jeudi 2 février 2017

La La Land (Damien Chazelle - 2017)





"Bienvenue à Hollywood
C'est quoi votre rêve ?
Tout le monde vient ici
Ici c'est Hollywood
Le pays des rêves
Certains rêves se réalisent
Et d'autres pas
Que ça ne vous empêche pas de rêver
Vous êtes à Hollywood
Vous avez le temps
Alors continuez à rêver.."



Voici un film un peu différent de la comédie musicale / feel good movie à laquelle je m'attendais. Car si l'on omet l'épilogue, j'ai trouvé le film très mélancolique, plutôt noir et délicieusement réactionnaire.
Je pense par exemple aux ratées successifs de la relation amoureuse. Passage obligé dans toute comédie romantique, ils semblent ici avoir un sens plus profond sur la difficulté des êtres, spécialement à notre époque, à nouer des liens. Ainsi, soit Emma Stone et Ryan Gosling se rencontrent à chaque fois au pire moment, soit leur flirt classique (façon Ginger & Fred) est interrompue par l'irruption agressive du réel. La magie s'effondre face à la technologie (le téléphone portable en ligne de mire).
Les plus pessimistes pourront considérer que l'histoire réaliste des deux protagonistes se termine avec le renoncement de l'apprentie actrice, découragée et fatiguée par l'humiliation des castings. La suite "c'est du cinéma".. Mais, le film "émeut in-extremis" grâce à cet épilogue euphorique et génial qui emporte tout. Jusqu'au sourire en coin de Gosling, tel-que l'aurait fait Warren Beatty à Nalalie Wood si leur film avait été une comédie musicale et non un drame. Car ce sourire est un sourire complice à la fois au spectateur et entre ex-amants (qui dit à la fois "Je t'ai vu" et "C'est la vie.."). 

Accuser Chazelle de passéisme, c'est exactement ce qu'il fait lui-même avec lucidité.
Il y a une replique du film qui m'a particulièrement frappée, c'est celle avec laquelle Emma Stone reproche a Ryan Gosling de trop s'intéresser à ce qui s'est fait avant 
alors que le jazz est une musique qui va de l'avant ("jazz is about the future.." je crois). 
J'ai vu cette scène comme une auto-critique réaliste et triste de Damien Chazelle. Au delà du jazz, j'ai eu le sentiment qu'il évoquait aussi et surtout son amour du 
cinema classique et la conscience qu'il a de ses propres limites de cinéaste-cinéphile, le sentiment de ne pas être en phase avec un Hollywood qui ne peut pas revenir en arrière et doit aller de l'avant pour survivre.

Sur la forme, j'ai un léger bémol sur l'interprétation que je trouve un peu trop appliqué. Si Emma Stone et Ryan Gosling se défendent correctement dans les parties dansées, ils accusent tout de même la comparaison avec leurs illustres prédécesseurs (Fred Astaire/Gene Kelly, Rita Hayworth/Ginger Rogers..). 
Mais il n'y a pas tant de parties chantées (par les deux protagonistes) que cela : il s'agit d'une demi comédie musicale en fait, loin des tentatives U.S. "récentes" (de Grease à Mamma Mia) ou françaises (Le garçon extraordinaire, Les chansons d'amour..). Les morceaux entraînants du film sont d'ailleurs plus musicales que chantées et la musique qui nous reste en tête après la séance est celle de l'ouverture avec ses chœurs. 
Voilà peut-être ce qui manque au film pour emporter tout : une belle chanson entre les deux acteurs, un futur classique inscrivant le film au panthéon du genre. 
Si le choix du casting d'Emma Stone ne me semble pas indispensable à la réussite du film (d'autres auraient peut-être fait aussi bien ou auraient eu plus de capacités en chant et danse), celui de Ryan Gosling me semble sans équivoque : il a un charme fou (heureusement que Miles Teller - trop moderne- a été écarté à son profit). Il est bien l'héritier des grands charmeurs classiques américains, Newman et Redford en tête. 

mardi 3 janvier 2017

Top 2016 | Supfiction

Top 2016 Cinéma | Supfiction



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1 • Room  
2 • Frantz 
3 • Carol 
4 • Mademoiselle 
5 • Juste la fin du monde 
6 • Une vie entre deux océans 
7 • L’Économie du couple 
8 • Captain Fantastic  
9 • The Neon Demon 
10 • Comancheria