dimanche 21 décembre 2014

A Cry in the Night (1956)


A Cry in the Night (1956)


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Je reprend la discussion où on l'avait laissé en janvier dernier, après avoir vu ce fameux A cry in the night de Frank Tuttle. Bien sûr, en tant que grand admirateur de Natalie Wood, mon jugement peut être quelque-peu biaisé sur le film :fiou: .

Sorti dans la foulée de La fureur de vivre (et de La prisonnière du désert ), on y retrouve un peu cette ambiance typiquement 50's / happy days des jeunes amoureux trainant un peu trop tard le soir dans leurs décapotables américaines garées sur une colline (la colline des amoureux) sous un ciel étoilé, discutant rock’n’roll, bal de lycée, ou de leur avenir et pratiquant le langage universel.
Comme dans la fureur de vivre, Natalie a un père un peu trop rigide, capitaine de police de surcroit. La figure du père de famille américain est incarnée par Edmond O'Brien et celle du commissaire par le toujours charismatique Brian Donlevy.

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Une voix off d'introduction nous averti d'emblée : les parents ont parfois raison de s'inquiéter parfois un peu trop pour leurs "kids". Musique flippante et gros plan sur un voyeur caché dans un bosquet épiant les deux tourtereaux Natalie Wood et Oscar Goldman qui passaient jusque là un bon moment.

Quand le voyeur en question a le visage de Raymond Burr qui faisait flipper les spectateurs américains deux ans auparavant en tueur façon Père Noël est une ordure dans Fenêtre sur cour, le spectateur de l'époque ne rigolait sans doute plus : kidnapping immédiat de la belle et fragile Natalie Wood et viole potentiel à la clef.

Le scenario de David Dortort tiré d'une nouvelle de Whit Masterson (All through the Night) est très simple mais fonctionne bien. Le père rigide, le fiancé (dépassé mais courageux) et le bon commissaire vont d'abord s'expliquer virilement avant de partir à la chasse au maniaque.

Mais c'est Raymond Burr qui tire son épingle du jeu dans un rôle d'attardé mental sans doute malmené par sa maman trop protectrice, devançant quelque-peu le Norman Bates de Psychose (1960) mais reprenant aussi et surtout la figure de l'inadapté et fragile Lennie Small du roman de Steinbeck Des souris et des hommes (incarné plusieurs fois au cinéma de Lon Chaney Jr. à John Malkovich).

Avec la carrure imposante de Raymond Burr face à la frêle Natalie Wood, les scènes prennent un petit côté King Kong/Fay Wray. On frémit pour Natalie tout en ayant de la compassion pour son bourreau intellectuellement déficient, visiblement pas violent de nature mais que la vie n'a pas gâté.

Un petit film, dont la cible devait sans doute être le jeune public des drive-ins (l'équivalent des films d'horreurs d'aujourd'hui), mais c'est un thriller qui fonctionne bien. Natalie Wood fait le job mais il faudra attendre encore pour qu'elle ai des rôles plus denses à interpréter.
Selon les dires, Natalie Wood et Raymond Burr se seraient trèèèèès bien entendu sur le tournage, au point qu'il fut peut-être question de mariage ou en tous cas d'une relation sérieuse et intense. Relation qui n'était pas du gout des studios Warner qui préféraient voir Natalie dans les tabloïds aux côtés du jeune et beau et blond Tab Hunter (son partenaire dans son film suivant, Collines brûlantes) quitte à faire pression sur Burr pour l'écarter de leur étoile montante. Peur du scandale sans doute aussi, compte tenu de leur différence d'âge (17 et 38 ans). La connaissance de ces faits n'en rend que plus savoureux ce face à face entre la belle et la bête.

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mercredi 3 décembre 2014

The Perfect Specimen / Un homme a disparu (1937, Michael Curtiz)

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The perfect specimen est clairement un frère siamois du New-York-Miami de Franck Capra. Errol Flynn reprenant en quelques sortes le rôle de Claudette Colbert, à savoir celui de l'héritier milliardaire (Gerald Beresford Wicks) en fuite de sa prison dorée.

Gerald Beresford Wicks est élevé comme l'homme parfait, à la fois physiquement, moralement et intellectuellement, repassant ses leçons de physique tout en faisant sa gymnastique. Sa grand-mère a planifié son mariage avec sa cousine depuis l'enfance. Il est comme une plante sous serre, vivant dans l'isolement du monde (le film s'ouvre à la manière d'un Citizen Kane comique par un travelling sur les panneaux "Trespassers will be prosecuted" et "Beware of the dogs").
Cette belle perfection vole en éclat lorsque Mona Carter, la sœur de Jink Carter, un employé de la famille Wicks, enfonce (volontairement) les grilles de la résidence et fait la rencontre du fameux héritier..

La différence principale avec le film de Capra se situe dans la minceur du script. Il faut bien le dire, là où It Happened One Night dispose d'une intrigue de comédie romantique simple mais imparable (une héritière en fuite pour échapper à un mariage forcé est accompagnée d'un journaliste au chômage qui trouve l'occasion de se refaire en cachant son identité réelle), The perfect specimen est conçu comme une farce davantage "screwball" et dénuée d'un argument solide (s'il y est également question de mariage arrangé, ce n'est même pas tant le refus de ce mariage qui est le moteur de l'action, juste un besoin irrépressible d'air et de liberté).
C'est un tout petit regret car on s'en passe très vite, et ce grâce au talent et à la fantaisie des acteurs et à la grande légèreté de la réalisation de Michael Curtiz qui rapproche le film des meilleurs Gregory La Cava ou Mark Sandrich.

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Je crois qu'il s'agit de la première incursion d'Errol Flynn dans la comédie et il faut bien dire que c'est un coup de maître dans un rôle à contre-emploi (imaginez Errol en jeune vierge propre sur lui, sans expérience et coupé du monde, soit l'exact inverse il me semble de sa personnalité!). Et il n'a, dans le registre goguenard, rien à envier à Clark Gable. La crédulité inhérente au personnage en plus. Son enthousiasme, la simplicité et la légèreté de son jeu sont communicatifs.
On oublie totalement le héros et l'aventurier, on est ici devant un pur acteur de comédie, au point qu'on peut regretter qu'il n'en ai pas fait davantage à cette époque.

Joan Blondell hérite d'une partition plus délicate et superficielle, à savoir un personnage un peu irréel, malicieux mais tendre ("docteur Jekyll and mister Hyde") qui semble sorti de nulle-part et qui, pour s'amuser, entreprend à la faveur d'un pari de défoncer les grilles interdites afin de rencontrer le "perfect specimen" dont tout le monde parle. Elle semble n'avoir qu'un but : casser cette trop belle perfection et libérer le jeune homme de son carcan en l'incitant à s'attaquer à tous les "moulins à vent" (allusion à Don Quichotte), à commencer par sa grand-mère acariâtre et ultra-conservatrice qui tyrannise tout son petit monde à longueur de journée et fait la pluie et le beau temps dans la famille.

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Dans New-York-Miami, Gable (puisque les positions homme-femme sont inversées, Flynn incarnant ici une sorte de belle au bois dormant) était un journaliste quelque-peu crapuleux qui jouait un double jeu avec Claudette Colbert, jeune fille de bonne famille naïve qui allait s'ouvrir au monde réel. Dans L'extravagant Mr Deeds, autre film auquel on pense beaucoup en voyant le film, Jean Arthur était également journaliste.
Il aurait été facile en fait de faire de Joan Blondell une journaliste motivée par l'argent ou par un article à écrire.
Visiblement Curtiz n'a pas souhaité tomber dans cette facilité, ce qui rend le film à la fois plus originale et plus aérien.

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Le personnage de Mona Carter est donc quelque-peu superficiel mais le talent de Joan Blondell fait le reste. Il est rare de voir cette actrice piquante dans un rôle de premier plan comme celui-ci (d'ailleurs son rôle avait été initialement prévu pour Carole Lombard ou Miriam Hopkins).
Elle prouve qu'elle peut tenir les premiers rôles aisément au lieu d'être cantonné aux seconds rôles de meilleur copine piquante et sarcastique comme on l'a vu souvent (aux côtés de Lana Turner, Barbara Stanwyck ou surtout James Cagney notamment). Même physiquement, elle semble plus jolie que d'habitude. Comme si en tant que premier rôle elle avait bénéficié enfin de tous les égards (l'effet tête d'affiche=meilleurs maquilleurs, coiffeurs, habilleurs ?).

Outre le couple vedette, le gros atout du film est son "supporting cast", une pléiade de seconds rôles de haut niveau.
A commencer par Edward Everett Horton qui apporte un brin de Lubitsch touch avec son don particulier pour faire à la fois le lèche-bottes et sortir des répliques sarcastiques qui font mouche. Il est à chaque fois parfait dans ses rôles récurrents de servant/majordome/domestique au point que je le considère un peu comme le pendant américain de Pauline Carton dans les films de Sacha Guitry.
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Son duo comique avec May Robson (la tante dans L'impossible monsieur bébé, et la lady de Lady for a Day de Capra), qui joue la matriarche tyrannique de la famille Wicks, est réglé comme une montre. Je pense notamment au fameux gag du coq qu'il faut zigouiller parce qu'il chante trop tôt au petit matin. Horton s'exécute devant les demandes les plus improbables de la vieille rombière.
Un superbe acteur de comédie dont se sont allégrement servi les meilleurs du genre, en premier lieu Lubitsch lui-même dont il était l'un des acteurs fétiches il me semble (on peut le voir notamment dans La huitième femme de Barbe-bleue, La veuve joyeuse, Ange, Sérénade à trois, Haute pègre) mais aussi Capra (Horizons perdus, Arsenic et vieilles dentelles), Cukor (Vacances) et Mark Sandrich (La joyeuse divorcée et le génial L'entreprenant Mr. Petrov dans lequel il faisait merveille aux côtés de Fred Astaire).

Il y a aussi Harry Davenport (également vu dans plusieurs Lubitsch, mais aussi Autant en emporte le vent et Meet me in Saint Louis) dans le rôle du père de Joan Blondell, le dingue Hugh Herbert et enfin Allen Jenkins, très amusant dans la séquence boxe pendant laquelle Errol expose sa musculature et sa crédibilité bien avant Gentleman Jim.
La scène du combat de boxe est elle un clin d’œil au combat de boxe dans Les Lumières de la ville ? Je me suis posé la question. Quoiqu'il en soit il y a un peu de Chaplin dans la valse d'Errol et de Chloroforme Conley (le champion poids lourd).

Faute d'intrigue solide, le film peine logiquement dans son climax. La scène finale tournant un peu à vide et se transforme en festival de répliques et mimiques pour chacun des seconds rôles (Hugh Herbert, May Robson, Edward Everett Horton) réunis autour du couple vedette.

Si globalement, le comique l'emporte définitivement sur la romance, l'inventivité, la sensibilité et la richesse du jeu déployé par Joan Blondell et Errol Flynn sont d'un tel niveau qu'ils arrivent à faire passer énormément en peu de temps. Quelques gestes et regards suffisent.
Leur signe de ralliement, par exemple, est une trouvaille simple mais formidablement efficace et jouissive.

Je pense aussi à la scène délicate durant laquelle Errol/Gerald Beresford Wicks déclare son amour dans une chambre d’hôtel et qui se termine sur le regard de Joan/Mona Carter au bord des larmes. Magnifique. En une seule séquence romantique à l’hôtel, les virtuoses Curtis, Blondell et Flynn en montrent davantage que dans la plupart des pures comédies romantiques de l'époque. C'est prodigieux. Et inoubliable.


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dimanche 30 novembre 2014

La dame et le toréador / Bullfighter and the Lady (Budd Boetticher, 1951)


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Johnny Regan, un touriste americain, assiste a Mexico à sa première corrida et tombe amoureux du spectacle. A l'issue de la manifestation, il se fait inviter a la table du torero Manolo Estrada, un célèbre matador vieillissant. Il s'éprend d'Anita, fille d'un important éleveur de taureaux et promise depuis son plus jeune âge au torero blessé le jour même. Johnny et Manolo concluent un marché : Manolo l'initiera a la tauromachie, tandis qu'en échange Johnny (ancien champion de tir) lui donnera des cours de tir.


"Eh HEH, Toro"

La Dame et le Toréador (Bullfighter and the Lady) est un film dramatique américano-mexicain écrit et réalisé par Budd Boetticher, sorti en 1951 et pour lequel il obtint en 1952 une nomination à l'Oscar du scénario (remporté par Huston pour African Queen).

Un film qui ne serait qu'un simple cri d'amour à la tauromachie ne m’intéresserait pas du tout. Et heureusement, La dame et le toréador est bien plus que cela : un beau film d'amours doublé d'un parcours initiatique.

De ce film, je garde en tête en premier lieu de très belles images baignées dans une atmosphère intensément romantique et dramatique. Romantisme renforcé par une musique douce et enivrante.

Cependant, je déplore que Boetticher se soit trop attardée sur des séquences de corrida répétitives, filmées sans imagination et vues sous le prisme d'un spectateur qui serait tenu à distance, dans les gradins. Certains spectateurs pourront trouvé bien ennuyeuses ces scènes de face à face entre toréros, taureaux ou vachettes. Une approche documentaire sans aucun doute (le film est tourné sur place à Mexico City) qui peut laisser de marbre, pour ne pas dire plus. Le sujet même de la corrida, tant décrié à notre époque, en laissera certains en rade.

C'est bel et bien en dehors de l'arène que le film fonctionne, autour des personnages et non des taureaux. De fait, on pourra regretter que le temps accordé aux scènes de tauromachie se fasse au détriment des relations entre les protagonistes, traitées un peu rapidement et superficiellement à mon goût. Les sentiments amoureux entre Johnny et Anita sont tout juste effleurées et il faut une direction d'acteurs parfaite et la performance de Robert Stack et Joy Page pour convaincre en peu de temps de l'authenticité de leur amour naissant. Je veux pour exemple la rapidité à laquelle Anita change d'attitude à l'égard du gringo Johnny jugé jusqu'alors bien trop insistant à son goût.
Le film est en fait très pudique. Il est beaucoup question d'amour (sous diverses formes) mais ce n'est certainement pas le genre de Boetticher d'appuyer les sentiments et les démonstrations d'épanchement ou d'amour physique.

Cette histoire d'amour n'est d'ailleurs pas le sujet central. Elle participe seulement de l’épanouissement d'un homme dont l'âme est submergée par des attirances fulgurantes et entremêlées pour une femme, une culture inconnue et un sport-spectacle total. Une culture et des traditions bien définies, aux codes strictes (comme en témoigne la scène durant laquelle Johnny rentre en scène sans le costume traditionnel du toréador, au grand dam des aficionado).

Comprendre les motivations, les traits de caractères majeurs et la psychologie des personnages, leurs réactions surtout, c'est ce qui est intéressant dans un bon film.

Quelles sont les véritables mobiles de Johnny Regan ? Qui est-il ?
Comment savoir si cette soudaine passion n'est pas une simple "passade" de la part d'un jeune américain qui s'ennuie en voyage ou quelque-peu volage (il est à la fois ancien champion de tir et producteur de spectacles) ?
Ce n'est jamais totalement explicite. Johnny demande au début du film à Estrada de lui enseigner la tauromachie sans jamais justifier les raisons de sa demande.

Une pulsion morbide ?
Possible, mais l'hypothèse restera sans fondement. Johnny ne semble commencer vraiment à s’intéresser au spectacle de tauromachie auquel il assiste que lorsqu'un toréro se fait encorner.
L’adrénaline et la gloire des toréros devant un public en liesse ? Possible aussi.
Ou bien s'agit-il surtout par la suite d'impressionner (comme il le reconnait plus tard d'ailleurs) et de plaire à la belle Anita pour qui il vient manifestement de tomber amoureux ?

On ne saura finalement pas quelle est la motivation profonde de Johnny Regan, ni qui il est vraiment au début du film. Chacun interprétera donc avec son propre vécu.
Les choses ne sont jamais aussi simples comme semble vouloir nous dire le réalisateur pour qui ce film était très cher, dont il était très fier et qui racontait son histoire personnelle.
Regan c'est Budd Boetticher lui-même quand il était jeune. Sa vie bascula lorsqu'il assista à sa première corrida, alors qu'il était en voyage à Mexico City, et qu'il fut émerveillé par le spectacle proposé par Lorenzo Garza, grand matador de l'époque, et c'est Lorenzo Garza en personne qui pris en charge un temps son entrainement. Budd Boetticher (qui avait une très mauvaise relation avec ses parents) se cherchait comme beaucoup de jeunes hommes testant leurs propres limites ou même défiant la mort pour mieux se prouver qu'il sont vivants.

L'expérience à un prix et c'est ce que Johnny Regan va apprendre lorsqu'il sera confronté aux conséquences de ses actes et de son arrogance (arrogance au sens d'imprudence et de manque d'humilité face au danger, Johnny cherchant trop vite à faire "comme les grands",  à reproduire les gestes de matadors expérimentés).

Pour moi le plus beau moment du film est celui de la seconde rencontre entre Anita et Johnny, lorsqu'elle s'excuse de l'avoir un peu trop vite jugé et comprend qu'il est un étranger un peu maladroit qui s'intéresse à sa culture.
Cette fois Robert Stack est excellent (et disons très bien dirigé par Boetticher). Son sourire à ce moment précis est la première image qui me vient en tête quand je repense au film.

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De même, lors de la première représentation de Johnny avec des vachettes, la scène autour de l'arène est particulièrement réussie : on devine un homme terriblement exalté, qui se révèle à lui-même et qui est totalement emporté par les émotions et la passion qu'il découvre.
Anita est elle aussi totalement excitée à regarder ce jeune homme s'épanouir, emportée par un enthousiasme communicatif.
Le personnage de Katy Jurado / Chelo, digne et entièrement dévouée à l'amour de son homme est également formidable. Et ce en très peu de scènes. Elle incarne presque à elle seule (avec Joy Page) toute la fierté et la beauté d'un peuple.
Le couple qu'elle forme avec Gilbert Roland / Manolo Estrada est à l'image de la solidité des traditions de ce peuple. A la fois couple modèle, figures paternelles et maternelles et sources d'inspiration pour Anita et Johnny. Pour Boetticher qui à ce moment de sa vie a pratiquement fuit ses parents, ces figures très fortes ne sont pas anodines.
Il tourne un certain nombre de scènes d'"amour"en gros plan et c'est l'une des réussites du film. Et de fait, les expressions des visages sont éloquentes.
La mise en scène est parfois très élégante et fluide (travellings discrets) ou inspirée (plongée/contre-plongée écrasante sur Johnny après son erreur arrogante et mortelle).
D'autre part, il ne fait pas l'impasse sur la stupidité répandue parmi les aficionado, les esprits écervelés et avides de sang.

Je reviens sur la musique : très belle dans les scènes romantiques, elle souligne notamment la sérénité et la douceur des personnages féminins.

Au delà du monde de la corrida qui moi ne m'intéresse pas vous l'aurez compris (ne considérant aucun art dans la tauromachie), le plus intéressant est l'argument de ce jeune américain quelque peu impulsif, hardi et inconscient (pas un petit con mais presque, un grand "gamin" oui sans aucun doute), plongé dans un environnement, une culture et des mœurs étrangers. Et qui par ce biais apprends à devenir un homme.

samedi 29 novembre 2014

They Won't Believe Me (1947)

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They Won't Believe Me (1947)

Réalisation : Irving Pichel
Production : Alfred Zimbalist / Distribution : Allied Artists
Scénario : Jonathan Latimer et Gordon McDonell
Photographie : Harry J. Wild
Musique : Roy Webb

Avec :

Larry (Robert Young)
Verna (Susan Hayward)
Janice (Jane Greer)
Gretta (Rita Johnson)


Welcome to New York..

Robert Young (Larry) est un sale type. Mais j'aimerai bien être à sa place.
Papillonnant entre une épouse un peu trop riche et intelligente (Rita Johnson), son amante un peu jalouse (Jane Greer :oops: ) et sa nouvelle conquête, l'indocile Susan Hayward (Re :oops: ), pas facile la vie d'un petit agent de change!

**ATTENTION GÂCHEURS**
Après un certain nombre de lâchetés et tromperies, quand enfin Larry prend une décision et quitte son épouse pour sa secrétaire, le récit bascule du drame amoureux au film noir à l'occasion d'un accident de la route.
Pour éviter un camion zigzaguant à cause d'un pneu crevé, la voiture de Robert Young et Susan Hayward bascule dans le fossé et prend feu. Cette dernière périt dans l'accident. Alors qu'il est à l’hôpital et qu'on lui annonce que sa présumée femme est morte brulée, une idée lui vient alors : oui ce serait bien sa femme morte à ses côtés dans cet accident, ce qui lui permettrait d'hériter de son immense fortune.

Mais tout ne va pas se passer comme imaginé..

Il rentre alors chez lui avec l'intention de se débarrasser de sa femme pour de bon, mais chance ou malchance, celle-ci s'est déjà jeté dans un ravin en apprenant qu'il l'avait quittait. Il jette alors le corps dans le fleuve.

Dénoncé par un cheval..

Comme on pouvait s'en douter, le corps finira par être retrouvé et Robert Young inculpé pour meurtre.. pas de sa femme, mais de sa maitresse !
**ATTENTION GÂCHEURS FIN**

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Le premier point fort de ce film est son casting grand luxe ! Robert Young entouré de deux des plus belles femmes de l'époque : Jane Greer, belle à se damner (ici dans un presque contre-emploi, en tous cas par rapport à celui pour lequel elle est surtout connu) et Susan Hayward, superbe et dangereuse (une gold digger comme elle se qualifie elle-même), et dont le sourire racoleur et les grands yeux laisseraient sans défense n'importe quel homme. Son jeu est excellent et sensiblement différent de ces rôles habituels.
Jane Greer et Susan Hayward incarnent deux amantes diamétralement opposées : l'une sexuellement agressive et cynique (Susan Hayward), l'autre fragile et morale (Jane Greer).
En outre, Robert Young est un choix audacieux (lui qui a beaucoup joué les "nice-guy " et qui n'était pas une tête d'affiche) mais qui s'avère payant pour ce rôle de lâche et falot coureur de jupons.
1947 sera une année faste pour lui puisqu'il sera également à l'affiche de Feux croisés / Crossfire de Dmytryk, peut-être son meilleur film.

1947 it was a very good year.
Une grande année à la fois pour Young, Greer et Susan Hayward. Cette dernière obtint sa première nomination à l'Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans Une vie perdue / Smash-Up: The Story of a Woman et de très bons avis de la critique et du public. Elle tourna la même année un autre rôle majeur dans The Lost Moment .
Quant à Jane Greer, elle tourna successivement peut-être ses trois plus grands films : La griffe du passé (1947), La cité de la peur (1948) et Ça commence à Vera-Cruz (1949) !

A ce casting impeccable, il faut ajouter un scénario qui sans être original s'avère habile (de Jonathan Latimer, scénariste de John Farrow) et plutôt surprenant du début à la fin et ce alors que le récit est raconté en flash-back. Un flash-back dont on peut sérieusement douter de la véracité.
Après tout le titre est plutôt tendancieux : "They Won't Believe Me". Le jury ou le public ?
Il y a beaucoup d'ironie dans ce récit et l'on est pleinement dans un film noir en dépit des apparences. Larry semble être constamment passif face aux événements et aux femmes de sa vie. Mais est-ce vraiment le destin qui distribue les cartes ?

Au passif, une réalisation manquant un peu de peps et un (léger) abus de voix-off. Celle-ci est la conséquence d'un choix de mise en scène : l'histoire est raconté par le personnage de Robert Young lui-même alors qu'il se tient à la barre des accusés à son procès.

Je crois que deux montages du films circulent, l'un de 80 minutes (charcutage dans lequel tous les actes jugés immoraux ont été coupés, comme le baiser que Robert Young donne à Susan Hayward à l'Opéra alors que sa femme est à côté), l'autre de 90 minutes. Dans la version courte (que je n'ai pas vu), la fin serait très ambigüe à ce que j'ai pu comprendre, voir même incompréhensible.

A conseiller. Ne serait-ce que pour les fabuleuses Susan Hayward et Jane Greer, vous l'aurez compris.

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The Golden Blade / La légende de l'épée magique (1953)

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Retour aux basiques du film d’aventure avec The Golden Blade / La légende de l'épée magique (1953).

Prince de Bassorah, Harun se rend à Bagdad pour découvrir et châtier les meurtriers de son père. En chemin, il découvre une magnifique épée aux vertus magiques. Mais la précieuse lame lui est bientôt dérobée par le grand vizir et le fils de celui-ci, Hadi.
Alors que le calife est assassiné par les deux renégats, un tournoi est organisé, dont l'enjeu est la main de la délicieuse princesse Khairuzan, la fille du calife. Le capitaine parvient, par traîtrise, à triompher de son seul adversaire, Harun...


Réalisé par Nathan Juran (ancien directeur artistique pour Qu’elle était verte ma vallée), le même qui réalisera plus tard un autre film d'aventure façon Mille et une nuits, le Septième voyage de Sinbad (1958), ce film reprend le couple vedette Rock Hudson et Piper Laurie.
Le couple avait fait des étincelles l'année précédente dans Qui donc a vu ma belle ? / Has Anybody Seen My Gal ? (1952) devant la caméra de Douglas Sirk. Sirk qui tourna une seconde comédie avec Piper Laurie la même année, No Room for the Groom, cette fois avec Tony Curtis.

Le scenario est archi connu et balisé : un père à venger, une princesse enfermée, un héros valeureux, un complot fomenté par les proches du calife qui veulent devenir calife à la place du calife, un pouvoir surnaturel (la fameuse épée magique), un tournoi avec pour enjeu la princesse..

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Des décors colorés flambant neufs (Technicolor et carton-pâte) et des robes de soie dorées.

De grosses ficelles aussi (Rock Hudson qui prend ou fait mine de prendre Piper Laurie pour "un jeune garçon", la prophétie de l'épée bloquée dans le mur), des méchants mal joués (George Macready qu'on a vu plus fin) et des scènes de combat qui font un peu toc (Rock Hudson assez peu crédible en escrimeur, il faut bien le dire). Mais cela fait amplement partie du charme de ce genre de production.

D'autant plus que le rythme est soutenu et sans défaillance : on a pas le temps de souffler une minute durant ces 81 minutes.

Rock Hudson est plus convaincant que Tony Curtis (Son of Ali Baba, également avec Piper Laurie) dans le genre mais bien entendu beaucoup moins qu'Errol Flynn et son léger détachement, ce jenesaisquoi inégalable et imparable dans ce type de productions d'aventures romantiques.

Piper Laurie décidément la pauvre n'a pas eu beaucoup d'occasion de prouver ses talents d'actrice durant ces années ou elle fut surtout le faire-valoir de Tyrone (Le Gentilhomme de la Louisiane, 1953, que j'ai beaucoup aimé), Tony (Le voleur de Tanger, Le fils d'Ali Baba), et Rock (La légende de l'épée magique), sa fragilité apparente et son tempérament mutine faisant merveille. Je la trouve à chaque fois craquante dans ces productions et c'est bien ce qu'on lui demandait.

En dépit de ce qui peu passer pour des réserves, un très agréable moment passé devant cette libre adaptation des Mille et Une Nuits.

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mercredi 19 novembre 2014

La Taverne de La Nouvelle-Orléans / Adventures of Captain Fabian (William Marshall, 1951)

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La Taverne de La Nouvelle-Orléans (Adventures of Captain Fabian) est un film américano-français réalisé par William Marshall, sorti en 1951.

Errol Flynn est crédité comme auteur du scénario de ce Adventures of Captain Fabian (d'après un roman de Robert T. Shannon) dans lequel pourtant il ne tient pas le premier rôle. Et c'est d'ailleurs bien dommage. Le film est centré sur le personnage de
Lea Mariotte (Micheline Presle), une jeune créole dont la mère a été pendue, devenue depuis domestique et qui ne rêve que de pourvoir prendre sa revanche sur la bonne société de La Nouvelle-Orléans, quitte à utiliser tous les moyens possibles.
Accusée à tort de meurtre puis innocentée grâce à l'intervention du capitaine Fabian (Errol Flynn), elle n'hésite pas à manipuler George Brissac (Vincent Price), le fils héritier des riches Brissac ennemis jurés de Fabian, en usant de chantage pour arriver à ses fins, quitte à le forcer à l'épouser pour accéder à sa fortune et son rang.

C'est donc bien Micheline Presle qui est le personnage central et non Errol Flynn. Et moi qui aime plutôt l'actrice dans ses nombreux films français, il faut bien dire qu'elle est ici médiocre voir assez mauvaise, n'arrivant pas à rendre son personnage un tant soit peu sympathique (déjà elle n'était pas super face à Tyrone Power dans le film de Fritz Lang). De plus, l'histoire d'amour soudaine et sans fondement avec Errol Flynn ne prend absolument pas. Leurs étreintes semblent totalement impromptues et sans passion. Certaines répliques d'Errol face à Micheline semblent même avoir été empruntées à Clark Gable/Rhett Butler, malheureusement cela tombe à plat ici forcément.

De nombreux personnages secondaires semblent exagérés et faux, tel-que Agnes Moorehead (en rodage pour Ma sorcière bien aimée) entre autres.

A signaler tout de même un bon Vincent Price dans un rôle de faible, lâche, veule et médiocre, cela va sans dire.

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Bref Errol n'a vraiment pas été gâté (et pourtant c'est lui qui est crédité du scenario!) au point que le titre est particulièrement trompeur (le titre alternatif, "New Orleans Adventure", aurait été plus juste mais moins vendeur).

Dommage, car avec Errol face à Vincent Price on aurait pu avoir un bien meilleur spectacle.
Car pour ce qui est de l'aventure, on a pas grand chose à se mettre sous la dent, hormis les douze dernières minutes dans lesquelles on retrouve la frénésie des bons vieux films de la star de Tasmanie.
Le dénouement est proche du ridicule dès le retour de Micheline à l'image.

A signaler à titre anecdotique que le réalisateur William Marshall était le mari de Micheline Presle (et le père de Tonie Marshall).

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jeudi 13 novembre 2014

Till We Meet Again / Voyage sans retour (1944, Borzage)

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Till We Meet Again (1944, Borzage)

La grande vadrouille selon Frank Borzage..

Le film commence dans un couvent en France occupée à la fin de la seconde guerre mondiale.
Les premières images sont celles d'un petit havre de paix (des nonnes, des colombes, des jeunes filles vêtues de blanc faisant leur prière dans un jardin en fleurs). Ambiance idyllique soudainement troublée par des coups de feux et une voix allemande criant : "Plus vite! Sales porcs !".

Un rapide plan sur des prisonniers déportés s'évadant sous les balles allemandes et la caméra revient sur sœur Clotilde qui continue comme si rien n'était ("i don't know, i don't want to know!") à s'occuper des jeunes filles dont elle a la charge.
Hurlements d'un côté, prière de l'autre. Borzage, terre de contrastes.

Le monde extérieur n'est alors qu'un ensemble de sons de guerre passant par intermittence par delà les murs du couvent.
Cette fausse tranquillité est troublée par la venue cordiale du Major Krupp venue prévenir la mère supérieure et obtenir sa parole qu'aucun prisonnier ne sera caché, puis par celle de John, un aviateur américain dont on doit organiser la fuite à partir de ce couvent..
A l'instar de Dieu seul le sait de Huston (film que j'adore), le film mettra en scène la fuite d'un soldat aidée par une nonne. Mais chez Borzage, c'est toujours un ton très particulier, au delà de la simple aventure.

L'aviateur américain est incarné par le célèbre acteur anglais Ray Milland (formidable notamment dans Le poison de Billy Wilder).

Le Major Krupp est incarné par l'acteur de théatre russe Konstantin Shayne. Vous le reconnaitrez peut-être si vous avez vu Les cinq secrets du désert de Billy Wilder dans lequel il tint un rôle similaire à celui-ci. Il est ici excellent dans ce rôle de l'allemand courtois mais totalement sûr de la supériorité du peuple allemand ("on en a jamais fini avec les allemands!"), admirant ses adversaires courageux mais méprisant les plus minables, à commencer par le maire collabo qui l'accompagne (Walter Slezak, lui aussi déjà collabo précédemment dans Vivre libre de Renoir). Comme quoi les rôles collent à la peau et on ne se prive jamais de réutiliser de bonnes têtes de l'emploi (c'est pas Richard Sammel abonné aux rôles d'allemand de nos jours qui vous dira le contraire)!

Quant à la sœur Clotilde, c'est Maureen O'hara qui a été choisi pour l'incarner. La comédienne fit six jours de tournage (qui débuta en octobre 1943) avant d'abandonner car enceinte. Borzage la remplace alors immédiatement par Barbara Britton, une quasi-inconnue (vue dans Les naufrageurs des mers du sud de De mille et déjà aux côtés de Ray Milland, plus tard dans J'ai tué Jesse James de Fuller). Si le spectateur est privé de la grande star Maureen O'hara, ce n'est aucunement préjudiciable au film car Barbara Britton, outre son visage angélique, est parfaite pour ce rôle de nonne ingénue et craintive d'une vingtaine d'années. Ingénue au point de demander naïvement au major (figure d'autorité pour elle) venue faire son enquête au couvent si "par hasard les vies des jeunes filles ne pourraient pas être sauvées si quelqu'un savait où se trouvait l'aviateur ?".

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Visuellement, Till We Meet Again est splendide. L'image est en grande partie l’œuvre de Theodor Sparkuhl, ancien collaborateur de Lubitsch durant sa période allemande. De fait, entre photographie splendide et par son scénario. Les thèmes de Borzage se retrouvent dans chacun de ses films, mais ici particulièrement on retrouve l'esprit de ses chef-d’œuvre du muet. Je pense notamment à Seventh Heaven, à sa dimension spirituelle et à son opposition systématique entre le Paradis et l'Enfer de la guerre (qu'il s'agisse des tranchées dans lequel est Charles Farrell ou de cette France occupée par les allemands). L'adieu aux armes n'est pas loin non plus.

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Outre la photo, il y a surtout de très belles scènes entre Barbara Britton et Ray Milland en fuite. Dans l'une d'entre elles, celui-ci parle avec éloquence du mariage et ce qu'il signifie pour lui. La douceur naturel de Milland sied parfaitement au rôle de ce soldat foncièrement gentil, figure masculine de confiance absolue pour cette femme qui s’était retirée du monde pour se protéger des hommes.

Davantage qu'une histoire d'amour classique, Till We Meet Again raconte l'épanouissement d'une femme qui s'était fermée au monde. Une femme qui apprend à faire confiance à un homme et donne alors tout jusqu'au sacrifice. Je ne saurai dire en revanche si l'amour non consommée des deux protagonistes était la volonté de Borzage ou celle du Breen office. Vraisemblablement l’œuvre de la censure. Cela ne change pas grand chose au film en fait. On est dans du pur Borzage, et si en général l'amour est consommé, c'est l'alliance des êtres qui importe.

Le film fut un échec. La faute notamment à une sortie trop tardive fin 1944. Les alliés avaient déjà débarqué. Et avec la guerre passée, Borzage et ses thèmes les plus chers n'étaient peut-être plus en phase avec les attentes du public.

mercredi 12 novembre 2014

The Strange Affair of Uncle Harry (1945)


Un petit mot rapide sur The Strange Affair of Uncle Harry (1945) petit film du grand Robert Siodmak tout juste qualifiable de film noir avec pourtant un casting alléchant : George Sanders (classe mais pour une fois en bon gars un peu trop gentil), Ella Raines (l'amoureuse) et Geraldine Fitzgerald (la sœur jalouse et quasi-incestueuse).

Je ne sais pas si quelqu'un l'a vu ici, mais je n'ai trouvé qu'un intérêt relatif à cette histoire de Harry Melville Quincey, petit bourgeois déclassé de province entamant une relation avec Deborah Brown, une jeune femme intelligente et éclairée qu'il envisage d'épouser, et tentant (ou ne tentant pas justement) de se défaire de l'emprise d'une sœur un peu trop possessive et d'un milieu trop fermé. Le film décrit ainsi la vie provinciale américaine d'avant guerre, ses bonnes mœurs puritaines un peu trop bien réglés, ses bavardages, ses commères et ses jeunes filles qui s'ennuient.
La mise en scène est plate et sans grande imagination. Seules Ella Raines (charmante et très moderne) et Geraldine Fitzgerald (digne et flippante sans être caricaturale), très convaincantes dans leurs rôles, permettent au film de garder de l'intérêt. Chose étonnante quand on sait à quel point George Sanders peut être savoureux, leur face à face éclipse l'acteur qui parait bien falot à côté des deux belles et talentueuses actrices.

Le film est très court et du coup on a pas le temps de s'ennuyer vraiment.
La fin en énervera plus d'un, touchant au ridicule ou à l’incompréhensible pour ceux qui n'auront pas bien suivi.
Attention Gâcheurs :
 
Personnellement, j'ai cru tout d'abord que le personnage de Georges Sanders devenait fou, ce qui aurait été un bien meilleur dénouement que ce qu'il en est vraiment. Et pourtant nul doute possible puisque en fait, le coda final n'est qu'un retour en arrière avant que ce brave George ne tue accidentellement une sœur à la place d'une autre mais que celle-ci soit accusée du meurtre à sa place et exécutée. Tout ce que le spectateur venait de voir n'était que le fruit de son imagination alors qu'il divaguait en tenant une fiole de poison dans la main.. Comble du ridicule, Ella Raines revient alors qu'elle était parti résignée en épouser un autre, ayant jugé que ce brave George ne se déferait jamais d'une sœur trop envahissante et jalouse. Tout est bien qui finit bien en une poignée de secondes! Du Joe Eszterhas avant l'heure, en moins tordu quand même.

lundi 10 novembre 2014

Another Dawn - La Tornade (1937)



Quelques impressions rapides suite à la vision de Another Dawn :

Finalement j'ai plutôt bien aimé ce film en dépit d'une grosse impression de déjà vu.
Spoiler:
Cette scène finale dans laquelle les deux personnages masculins jouent à pile ou face qui ira se sacrifier, je l'ai vu je ne sais plus où sauf que les deux faces de la pièce étaient alors les mêmes. Surement un truc très connu qui m'est sorti de l'esprit. Il y a même surement plusieurs scènes de films assez proches au moins dans l'esprit. Bref, aucune originalité dans ce film.

En outre je ne suis d'ordinaire pas fan des films d'aventure coloniaux (Beau Geste, Four feathers, Les lanciers du bengale etc).

De fait, le plaisir est ailleurs : le film n'a aucun intérêt autre que les très belles scènes entre Kay Francis et Errol Flynn.
Un constat s'impose immédiatement : c'est un couple de cinéma magique, l'alchimie fonctionnant à merveille entre eux-deux. Et chose pas si courante, aucune figure ne domine l'autre. Pour ma part, c'est la première fois que j'ai cette sensation qu'Errol a trouvé son égal féminin. Je ne dis pas cela pour dénigrer Olivia de Havilland, formidable dans tous leurs films. C'est juste que l'on est pas ici dans le schéma phallocrate habituel (la faute est d'ailleurs peut-être plus imputable à Warner qu'à Olivia d'ailleurs) et que ça change.
Il faut dire aussi que je suis dans ma phase Kay Francis, l'actrice naphta que j'ai découvert le plus tardivement, en fait bien longtemps après toutes les autres, comme s'il s'agissait d'un trésor de l'âge d'or qui m'avait été bien caché. Devant la caméra de Dieterle, elle est formidable également dans le pétillant Jewel Robbery aux côtés du génial William Powell.

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mardi 4 novembre 2014

Black Angel (1946)

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Black Angel / L'ange noir (1946)

Réalisation : Roy William Neill
Scénario : Roy Chanslor

Trois hommes tournant autour d'une femme fatale, c'est toujours au moins deux de trop..

Dès les premières scènes de Black Angel on baigne d'emblée dans une pure ambiance de film noir. Une blonde gisant sur le tapis, un foulard en soie serré autour du coup, un disque tournant en boucle le même morceau entêtant chanté par la même blonde, un flingue posé sur le lit, un homme s'introduisant dans le clair obscur d'un appartement, un crime.. En quelques secondes pratiquement tous les codes du genres sont présents.
Cet homme, c'est Kirk Bennett. Ayant laissé ses empreintes partout sur les lieux du crime et en outre reconnu dans le couloir par la gouvernante alors qu'il cherchait le vraisemblable meurtrier en fuite, il est arrêté et jugé coupable pour l'assassinat de la chanteuse de cabaret Mavis Marlowe (Constance Dowling). Kirk Bennett est condamné à la peine de mort (par chambre à gaz), mais sa femme Catherine Bennett (June Vincent) totalement convaincue de son innocence n'entend pas baisser les bras et part à la recherche du véritable tueur. Elle est rapidement aidé par Martin Blair (Dan Duryea), le mari évincé et alcoolique de la victime..

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Dan Duryea yeaaaahh !

Quel plaisir de voir cet acteur dans un rôle différent. Dans ce Black angel, il a l'occasion d'incarner un personnage plus complexe que celui du malfrat habituel dans lequel il excelle tellement (trop à son détriment peut-être).
Je crois qu'il s'agit ici d'ailleurs de son premier rôle en tête d'affiche (dans Kathy O' en 1958 il aura une autre belle occasion d'incarner un "gentil").

Scarlet Street, The Woman in the Window, Criss Cross, Too Late for Tears, Ministry of Fear and One Way Street ...
Quel putain d'acteur de film noir!

Mais même quand Dan Duryea incarne un "gentil", ce n'est jamais aussi simple que ça ... il y a toujours au moins un truc qui cloche. S'il n'incarne pas ici une canaille, il est un alcoolique qui doit se faire enfermer dans sa propre chambre la nuit afin de protéger les autres (et lui-même) de ses éventuels excès sous influence. Frustré et évincé par sa propre femme qui lui interdit l'accès de son appartement, il incarne un loser magnifique. Aussi est-il naturellement sur la liste des suspects jusqu'à ce que son logeur l'innocente (il était dans sa chambre sous verrou au moment du meurtre).

Le sinistre Peter Lorre (un peu sous-employé en patron louche du cabaret qui semble avoir quelque-chose à cacher) et le futur oscarisé Broderick Crawford (Capitaine Flood) complètent le beau casting de ce film noir rendu glamour grâce à la belle présence de June Vincent.
Le mystère plane dans ce whodunit aux accents hitchcockiens (blonde glamour de caractère, femme fatale, hommes fragiles, ratés socialement et psychologiquement en déserrance, ambiance de suspicion, suspense constant, subconscient manipulateur et flash-back révélateur) dont le titre même est une énigme.

Qui est cet ange noir ?

Le spectateur est constamment manipulé (avant tout par les choix de son casting, Peter Lorre et Duryea obligent). L’ambiguïté règne . Même la victime du crime, Mavis Marlowe/Constance Dowling, n'est pas une oie blanche, loin de là puisqu'elle faisait chanter ses amants.

A l'instar d'autres noirs comme Stranger on the Third Floor ou Phantom Lady (dans lequel néanmoins le meurtrier est connu dès le départ), c'est la femme ou l'amoureuse du présumé coupable qui enquête pour tenter de retrouver le vrai meurtrier. Ici June Vincent doit déployer de nouveaux talents insoupçonnés pour s'introduire dans le cabaret de Peter Lorre, en se faisant passer pour une chanteuse accompagnée du pianiste Dan Duryea. Celui-ci trouve ainsi une raison de sortir de son alcoolisme et de voir le bout du tunnel de la dépression dans lequel il était tombé. Le malheur de l'un fait le bonheur de l'autre et il se verrait bien consoler sa nouvelle partenaire..

Le film est dépourvu de scènes d'action et de flingues. Non on est pas dans ce genre de noir, je préfère prévenir. Mais on ne s'ennuie pas. En dépit d'un scénario finalement moins complexe et intéressant que ses personnages et une durée courte (81 min), il offre de nombreux éléments inhérents au noir. Et si le spectateur croit deviner le coupable dès le début, il devra réviser constamment son jugement.


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lundi 3 novembre 2014

David et Madame Hansen (2012)

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David est ergothérapeute. Il exerce depuis peu dans une riche clinique suisse. Alors que, un matin, il manque une de ses collègues à l'appel, on lui confie une patiente amnésique et tourmentée à accompagner pour une course en ville : Madame Hansen-Bergmann. D'abord prudent et respectueux du protocole médical, David se montre procédurier. Mais au fur et à mesure qu'il côtoie sa patiente, sa curiosité grandit : tant de provocation et d'insolence, mêlées à de si soudaines vagues de détresse et de chagrin inexpliquées, ne peuvent cacher qu'un grand traumatisme. Ils ne reviendront pas à l'heure prévue…

Y a personne pour surveiller ?

Isabelle Adjani est successivement très drôle et touchante dans ce film écrit, produit, réalisé et monté par Alexandre Astier.
L'affiche Astier/Adjani improbable au premier abord apparait rapidement comme une évidence tant la douce folie de l'un se marie bien avec la marque de fabrique humoristique très personnel de l'autre. Isabelle incarne ici une sorte de parodie d'elle-même (ou de ce qu'elle pourrait devenir) et de ses rôles passés, preuve qu'elle sait faire preuve d'auto-dérision.
Les dialogues font mouche et semblent (sont?) écrits pour elle (j'ai lu quelque-part que le scénario avait été écrit pour Alain Delon..). J'ai été étonné par la qualité de la photographie également. De même pour la mise en scène (je pense à la scène de flashback notamment), Alexandre Astier étant définitivement un nouveau réalisateur à suivre.

Malheureusement, mon intérêt s'est dilué à mi-parcours dès lors que le film penchait vers le drame (attendu). Alors qu'en même temps, cette escapade tragi-comique d'un thérapeute avec sa patiente devenait pourtant quelque-peu improbable.
Face à une Adjani/Madame Hansen touchante, subitement le personnage de David parait bien creux, sans parler des deux autres compagnons de virée plutôt transparents. Astier faisant le poids face à Adjani dans le registre comique mais plus dans le drame.

Un film tout de même réussi dont la seconde partie se veut émouvante alors que la première penchait franchement dans la farce. Il parait néanmoins mineur au regard du talent et de la filmographie de l'actrice. C'est peut-être d'ailleurs le principal souci d'Isabelle Adjani aujourd'hui, ce droit revendiqué de faire des films plus simples ou légers.

dimanche 2 novembre 2014

De Force (2011)

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Des braquages très violents obligent la commissaire Clara Damico, chef de la brigade de répression du banditisme, à collaborer avec Manuel Makarov, une figure des gangs…

Ne réveillez pas une flic qui dort..

Frank Henry, ex-voyou et scénariste d'épisodes de Braquo et Engrenages s'est lancé dans la réalisation avec ce thriller avec probablement l'ambition de marcher dans les pas de l'ex-flic Olivier Marchal ou de Fred Cavayé (Pour elle, À bout portant, Mea Culpa), les deux chefs de fil du néo-polar français. Seulement, ce film n'est pas du même niveau, que ce soit en terme de mise en scène (ça manque de tension et d'action, on est clairement pas chez Cavayé) comme de dialogues. Brutaux, bourrés d'argot (attention aux sourds d'oreille surtout lorsque c'est Cantona), ils sont souvent assez plats (en particulier ceux entre policiers), à l'exception de quelques répliques percutantes lors des face à face Cantona/Adjani (clairement les passages les plus tendus et les plus réussis) ou de scènes qui sentent le vécu (Cantona distribuant des bandes-dessinées en prison). En bref, on a souvent l'impression d'être dans une série policière de Canal+ (ce qui reste péjoratif en dépit des progrès de ces dernières années).

L'intrigue est pourtant prenante pendant la majeure partie du film et l'on ne s'ennuie pas. Le scénario n'est pas balisé et surprend jusqu'à la fin. Lorsque les cartes se brouillent un peu (la flic et le malfrat dans un début de relation d'amour vache), l’intérêt grandit mais malheureusement celui-ci tombe à plat, la faute à un dénouement qui s'avère totalement raté et bien trop vite expédié. Le réalisateur a sans doute voulu un film âpre et sec mais là ça se termine un peu trop facilement au regard de ce que la confrontation promettait.
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De Force est donc bien une déception mais pas "l'horreur" qu'on dit. Cantona vs Adjani, l'affiche était bien trop intrigante et tapageuse pour qu'on pardonne le moindre faux pas: ce serait donc soit "une claque" soit un nanar. Aucun des deux en fait, plutôt un coup d'essai maladroit mais prometteur.
Si Cantona (le vrai héros du film) est égal à lui-même, Thierry Fremont très bon et Linh-dan pham trop rare (ici comme ailleurs), Adjani m'a plutôt convaincu pour son premier rôle de flic (et de mère) et j'ai très envie qu'elle remette ça avec un scénario bien plus dense, de bon dialogues et surtout un réalisateur plus chevronné. Qu'on la voit davantage en action une arme à la main, à l'image de ce qu'a fait Daniel Auteuil chez Olivier Marchal.

Alors que sa beauté fulgurante est désormais fannée ("tu serais presque baisable" lui assène Cantona), ce serait une belle nouvelle direction à donner à sa carrière, ..
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