Love affair (1994)
Réalisation : Glenn Gordon Caron
Avec : Annette Bening et Warren Beatty
Il s'agit de la troisième version de cette histoire après l'original Elle et lui "Love Affair" en 1939, avec Irene Dunne et Charles Boyer, le premier remake Elle et lui "An Affair to Remember" en 1957, avec Deborah Kerr et Cary Grant.
Versions auxquelles il faut rajouter également le vrai/faux remake Nuits blanches à Seattle "Sleepless in Seattle" en 1993, avec Tom Hanks et Meg Ryan (qui jouait une obsédée du film de 1957, finissant par reproduire la fameuse scène du rendez-vous du 8 Mai en haut de l'Empire State Building.
Cette version de 1994 a un titre français, Rendez-vous avec le destin, je ne sais pas pourquoi car de mémoire, le film n'a jamais eu le droit à une sortie dans les salles françaises et encore moins en VHS, dvd, vod, télé..
Passons tout de suite sur le point faible de cet ultime remake : la réalisation de Glenn Gordon Caron. Sans imagination, sans ambition esthétique, d'une grande platitude et avec des moyens visiblement limités, surtout en comparaison avec la luxueuse version technicolor de 1957 (il y a par exemple souvent pas ou peu de figurants à l'écran autour des deux acteurs). Tout cela donne à cette version des allures de téléfilm. C'est vraiment dommage car le couple Bening/Beatty fait des merveilles au point de se hisser largement au niveau de ses illustres prédécesseurs (voire au delà, pour part et pourtant j'avais un gros faible pour Irène Dunne face à Charles Boyer), exploit qui semblait déjà impossible au moment du premier remake.
Beatty est l'acteur idéal dans ce rôle qui semble avoir été créé pour lui. Son personnage est le playboy et ex-quarterback Mike Gambril, pratiquement le même personnage que son Joe Pendleton dans Heaven Can Wait / Le ciel peut attendre (réalisé et joué par la star en 1978). Alors qu'il est sur le point de se marier avec une millionnaire et star de la télé (Kate Capshaw), il tombe amoureux au premier regard de Terry McKay (Bening), designer d'intérieur et musicienne, au cours du trajet en avion pour rejoindre sa fiancée.
"You know, I've never been faithful to anyone in my whole life." lui dit-il au cours du film. C'est une ligne de dialogue du film qui semble être tirée de leur vie privée et avoir été prononcée pour de vrai à l'issue de leur rencontre sur le tournage de Bugsy durant lequel ils sont tombés amoureux.
Anette Bening est à tomber, moins romantique que Deborah Kerr, plus indépendante et plus forte très certainement, bref plus moderne, et pourtant extrêmement attendrissante.
Le reste du casting est au diapason : la tante, rôle crucial dans l'affaire puisque c'est de sa rencontre avec Terry McKay que naît la liaison amoureuse (la jeune femme ayant alors l'opportunité de voir en son prétendant autre chose qu'un séducteur beau parleur), est incarnée par une Katharine Hepburn tremblotante. Elle est parfaite pour ce rôle à ce moment de sa vie (à plus de 80 ans, 87 en fait, elle n'a jamais jusqu'alors semblé aussi petite et fragile) et son excentricité naturelle ("If I knew I was going to live to 86 I wouldn't have let the maid go") sied parfaitement à ce rôle de grand-mère retirée du monde sur une île sauvage (les extérieurs sont magnifiques d'ailleurs et participent au romantisme et au mysticisme de cette séquence clef). C'est son dernier film.
La connivence Hepburn / Bening est immédiate et surtout, on voit très distinctement dans les yeux d'Annette l'émotion et l'admiration qu'elle éprouve à ce moment là pour la femme et l'actrice légendaire. Acteurs et personnages se confondent alors. Ils savent que le moment est unique et qu'ils ne se reverront probablement plus. Le film prend à ce moment une autre ampleur et l'émotion restera présente jusqu'à la fin. C'est pratiquement un exploit de réussir une histoire d'amour sans absolument aucune nunucherie en 1994. Tels les films de Bogdanovitch, ce Elle et lui est l'alliance de classicisme, de cinéphilie et de modernité.
Quant à Pierce Brosnan, il était décidément dans sa période cocu/ dindon de la farce (puisqu'il tenait le même genre de rôle dans Madame Doubtfire). Il était temps qu'il fasse James Bond..
Kate Capshaw est le pendant féminin de Brosnan, ils sont les amants délaissés par les deux protagonistes de cette histoire d'amour inattendue.
Le scénario de Robert Towne ("l'ancien talent des 70's") et Warren Beatty est assez proche du scénario original, à l'exception notable de la rencontre qui a lieu dans un avion juste avant son atterrissage en catastrophe sur un cailloux du pacifique. La séquence de la croisière mondaine a disparu, remplacée par un sauvetage sur un bateau russe (séquence étonnante durant laquelle les marins russes chantent du Beach Boys et apprennent à Terry McKay à boire à la russe, comme si les scénaristes s'amusaient eux-même de cette réconciliation Est-Ouest inattendue).
Du coup, on ne retrouve pas tout à fait le charme et la magie de la première version, ni la comédie de quiproquos (Deborah Kerr et Cary Grant déjeunant dos à dos scrutés par les autres passagers). Les scénaristes Towne et Beatty auront très probablement jugé que cette séquence ne fonctionnait plus en 1994. Ils n'ont peut-être pas eu tort d'ailleurs. Et puis cela donne surtout au film son indentité proche, évitant le copier-collé. Il y a bien un ou deux paparazzis qui rodent mais Beatty n'en use pas comme prétexte à la comédie.
Privé de ces éléments de comédie, le film se fait plus adulte et réaliste, moins drôle mais plus intemporel tout en étant totalement dans son époque. A ce titre, il réussit le petit exploit d'être pleinement une histoire d'amour des années 90 et ne jamais paraître empêtré dans les mécanismes trop bien huilés de la comédie romantique post-Quand Harry rencontre Sally.
En fait, la seule chose qui intéresse Beatty c'est Annette. Et comme on le comprend! Si elle ressemble physiquement davantage à Deboirah Kerr, elle est souvent plus proche du jeu taquin d'Irène Dunn face à Charles boyer. Elle laisse par exemple croire à Beatty qu'ils se sont déjà connu par le passé, le plongeant dans l'embarras.
"I like watching you move"
Ajoutez à cela une partition romantique juste ce qu'il faut du légendaire Ennio Morricone (dont la musique accompagnait déjà les premiers émois du couple Beatty/Bening dans Bugsy, très proche d'ailleurs dans son style langoureux) ainsi qu'une chanson de Louis Armstrong pour l'ambiance rétro à la woody allen et vous obtenez un film délicieusement romantique (et non une comédie romantique) injustement exclue des écrans français à sa sortie. Trois versions de cette histoire et trois bijoux, qui aurait cru cela possible.