Among the Living (1941)
Réalisation : Stuart Heisler
Scénario : Lester Cole (auteur de
None Shall Escape et
Aventures en Birmanie)
Avec : Albert Dekker, Susan Hayward, Frances Farmer, Harry Carey
Among the Living (1941) est un film qui mélange des thématiques du film d'horreur (le double jumeau comme dans
The Black Room / Le baron Gregor (1935) avec Boris Karloff ou le double maléfique comme dans
Dr Jekill & Mister Hyde ou
Le masque de fer) et du film noir.
Le
film s"ouvre sur les funérailles du père de John Raden à l'issue
desquelles ce dernier apprend que son frère jumeau Paul, déclaré mort
depuis 25 ans, vit toujours, comme un animal, enfermé dans la maison
familiale. Paul est mentalement dérangé depuis qu'il a été témoin tout
jeune des maltraitances physiques subit par sa mère.
C'est alors que Paul s'évade et découvre le monde civilisé tel le monstre de Frankenstein, à la fois innocent et imprévisible...
L'argument
de départ est grossier et le début du film est de fait à la limite du
grotesque. la psychologie est sommaire et on craint le pire devant cette
histoire de jumeau caché un peu almabiquée. Et pourtant le film prend
rapidement dès qu'il dérive vers le film noir aux accents social (on
ressent encore les restes de la grande dépression, ce n'est pas
l'Amérique capitaliste triomphante qui est dépeinte ici) et "horrifique"
de Val Lewton.
Et surtout le Fritz Lang de
M le maudit ou
Fury n'est pas loin non plus.
Paul
Raden, pas pédophile mais sérieusement détraquée quand même et surtout
incontrôlable, se retrouvant la cible d'une chasse à l'homme collective.
Il
faut avouer que ce sont surtout les scènes avec une toute jeune Susan
Hayward, délicieusement profiteuse, qui valent le coup d’œil. Elle a
d'abord l'air d'un ange, incarnant une pauvre et gentille fille du
peuple, Millie, pas gâtée par la vie et travaillant dans la pension
tenue par sa mère. Paul Raden trouvant refuge dans la pension, tombe
sous son charme et va la couvrir de cadeaux, tel un gamin amoureux qui
aurait volé de l'argent à ses parents et le dépenserait pour se faire
aimer de la plus belle fille de l'école. Elle ne demandait rien mais ne
se fera pas prier longtemps pour profiter de la naïveté primaire de son
protecteur amoureux en se faisant payer robes et autres bricoles .. Elle
fera pire par la suite, révélant alors pleinement son caractère vénale
et son ingratitude. Ce rôle à la fois sexy et dramatique permit à Susan
Hayward (après avoir été remarqué en 1939 dans
Beau Geste) de franchir un grand pas vers les sommets d'Hollywood ; sa carrière était bien lancée desormais.
Albert
Dekker joue le double rôle des jumeaux, rasé ou mal rasé (et regard de
dingue à la Martin Riggs) pour reconnaître les deux frères. Le rôle
était casse-gueule mais il s'en sort bien (sans doute le rôle de sa
vie), en particulier dans le rôle du frère dérangé qu'il arrive à rendre
presque attachant (en tous cas on a de la peine pour lui) à l'instar de
Peter Lorre dans
M le maudit.
On
retrouve également au casting ce bon vieux Harry Carey (qui délaisse le
western et Capra pour l'occasion) dans le rôle ambigu du docteur qui a
caché la mort du frère jumeau en faisant une fausse déclaration de
décès, se faisant complice du triste sort de Paul, et la belle Frances
Farmer (l'une des plus belles femmes de l'époque) malheureusement ici
sous-exploitée dans un rôle insignifiant, celui de la femme de John
Raden dont la scène principale se résume à la voir crier de terreur
rendant d'autant plus violent le jumeau maudit. Ceux qui connaissent sa
tragédie personnelle ou qui ont vu le film
Frances avec
Jessica Lange verront peut-être en cela la conséquence de son état ou
bien une punition des studios pour avoir voulu s'émanciper au théatre à
Broadway. Dès 1939, sa carrière avait commencé à pâtir de sa mauvaise
réputation (alcoolisme, etc) et en dépit de sa performance en
Calamity Jane dans
le Western The Badlands of Dakota, elle était reléguée aux rôles de
second plan. Elle refusa pourtant un grand rôle à Broadway (dans
Clash by Night) afin de relancer sa carrière à Hollywood.
Le
film est court et le rythme enlevé, ce film hybride entre le noir et
l'horreur (photographie poisseuse à l'appui) plaiera aux amateurs de
films secs à petit budget. Le réalisateur Stuart Heisler récidivera dans
le film noir dès l'année suivante avec une adaptation de Hammett :
The Glass Key (1942).
Chaudement recommandé aux fans de Susan Hayward
(dont je suis bien entendu), ici plus craquante que jamais (que des
plans plutôt osés pour l'époque mettent bien en valeur, notamment un
accrochage de jarretelles), faisant alors ses gammes dans un rôle de
baby femme fatale.
En 1946,
The Dark Mirror de Robert Siodmak (avec Olivia De Haviland) reprendra cette thématique du double mauvais.
Pour
finir, un extrait savoureux de dialogue alors que Paul Raden boit un
verre avec une fille au bar (jouée par Jean Phillips) et lui dit
naïvement et ouvertement qu'il préfererait être avec Millie/Susan
Hayward :
Jean Phillips / Fille du bar :
“Well, thanks for the drink. Bring Millie in sometime and we’ll all go over to my place and bake a cake.”Dekker/Paul Raden :
“Oh, I’d like that!”Jean Phillips / Fille du bar :
“Don’t be a dope.”