lundi 17 août 2015

Films noirs, sans domicile fixe : Alias Nick Beal (1949, John Farrow)

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Alias Nick Beal / Un pacte avec le diable (1949)


Réalisation : John Farrow
Avec: Ray Milland, Audrey Totter, Thomas Mitchell
Scenario : Jonathan Latimer, Mindret Lord


Alias Nick Beal, un film de John Farrow de 1949 avec Ray Milland et Thomas Mitchell assez peu évoqué. Il s'agit d'une nouvelle transposition du mythe de Faust dans l'univers du film noir mi-fantastique mi-satire politique. Dans le registre de la satire/parabole politique, on est quand même loin du Capra de référence de L'homme de la rue et Mr Smith au Senat. Le scénario m'a paru ultra-prévisible et lourd (voir les passages avec la bible, on se croirait dans Dracula). Je crois bien que les films mettant en scène le diable m'ennuient particulièrement (sauf si c'est dans le registre comique).

Mais le film est sauvé par l'interprétation très inspirée du britannique Ray Milland (dans le rôle casse-gueule du diable, à la fois charmant, mystérieux et inquiétant, froid et rusé) qui était certainement à cette époque dans la meilleure passe de sa carrière. Il a la quarantaine triomphante, beau et charmant alors.

Une décennie fantastique commence pour lui en 1939, lorsqu'il acquiert une notoriété définitive en partageant la vedette de Beau Geste, réalisé par William Wellman, avec Gary Cooper. Durant la seconde guerre mondiale, alors qu'il travaille comme instructeur dans l'armée de l'air, il continue pourtant de faire des films. Il tourna excusez du peu pour Cecil B. DeMille (Les naufrageurs des mers du sud, 1942), Frank Borzage (dans le splendide Till We Meet Again en 1944 que j'avais chroniqué ici), Mitchell Leisen trois fois (Arise, My Love en 1940 sur un scénario de Billy Wilder déjà, Les nuits ensorcelées en 1944 et Les anneaux d'or en 1947), Fritz Lang (Espions sur la Tamise, 1944), John Farrow trois fois (Californie terre promise en 1947, l'excellent noir La grande horloge en 1948 et un western raté en 1950, Terre Damnée).
Et surtout pour l'immense Billy Wilder également à deux reprises (le génial Uniformes et jupon court en 1942 puis bien sûr The Lost Weekend en 1945, drame sur l'alcoolisme qui lui vaut un Oscar et un prix d'interprétation à Cannes)!
Mitchell Leisen et John Farrow trois fois, Billy Wilder deux fois en à peine quelques années. On peut dire qu'il était apprécié par ceux pour qui il travaillait!
Alors qu'il avait débuté plutôt dans des rôles romantiques et des comédies légères, comme Le docteur se marie (de Alexander Hall, en 1940, dont vous trouverez la chronique ici), il incarna progressivement des rôles de plus en plus sombres dans lesquels il excellait, avec comme point d'orgue bien entendu le mari assassin dans Le crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock. Par ses expressions du visage subtilement inquiétantes et son grand talent, son physique se prêtait aux personnages ambigus.

Dans Alias Nick Beal, il compose avec grand talent un personnage maléfique dont la seule présence, parfois en retrait en arrière plan suffit (pour mieux manipuler ses victimes avec qui il joue comme aux marionnettes). Son Nick Beal apparaît et disparaît sur un caprice. Sans besoin de beaucoup de mots, Milland lui donne le pouvoir à travers ses yeux et ses expressions : un demi-sourire narquois ou un regard qui tue.

Outre Milland, vous reconnaitrez le second rôle Roger Mitchell qui joue le politicien candidat au poste de gouverneur (contre un certain Kennedy!) et qui pactise peu à peu avec le diable. Personnellement, je le trouve trop léger pour être totalement crédible en homme politique d'envergure. En revanche, il joue toujours bien (souvenez vous de lui en oncle menant à la faillite dans It's a wonderfull world) les hommes indécis et faibles, se laissant facilement manipuler.

La présence magnétique d'Audrey Totter en revanche me comble de bonheur. C'est une actrice que je trouve toujours parfaite dans le film noir, qu'elle soit la mauvaise fille manipulatrice, vénéneuse à souhait, ou bien la gentille fille .. un peu manipulatrice quand même ou à l'insu de son plein gré comme ici où elle est également victime des manipulations du diable Ray Milland et de la tentation (un manteau de vison sur une femme est toujours imparable dans le noir!), se métamorphosant en quelques minutes de fille de rue en femme du monde. C'est probablement mon actrice de film noir favorite, en faisant abstraction des stars à l'incursion occasionnelle dans des films à plus gros budget (Gene Tierney, Barbara Stanwyck, Susan Hayward...).

Alias Nick Beal est un film tout à fait honorable que se laisse voir mais si l'on a déjà vu ce genre de film faustien (de Gérard Philippe à De Palma), on a une forte impression de déjà vu et de lassitude qui gâche un peu le plaisir.
Si ça vous intéresse, je suis tombé par hasard sur ce site référençant les films dans lesquels il est question du diable.


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