dimanche 23 août 2015

I Love Trouble (1948)



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I Love Trouble (1948)


Réalisation : S. Sylvan Simon
Scénario : Roy Huggins
Avec : Franchot Tone, John Ireland, Janet Blair, Janis Carter, Adele Jergens

C'est un scénario de l'excellent Roy Huggins, auteur notamment de Too Late for Tears / La tigresse (avec dieu Dan Duryea) et surtout de Pushover avec Kim Novak que l'on vous propose ici.

A l'origine, il s'agissait d'une nouvelle, The Double Take, publiée en magazine. La Columbia en acheta les droits en 1948 et Huggins signa un contrat avec le studio pour l'adapter et en faire un film qui s’appellera donc I Love Trouble, titre pas forcement meilleur d'ailleurs. A partir de là, Huggins entra dans l'industrie cinématographique en travaillant sous contrat en tant que scénariste pour Columbia et pour RKO Pictures. En 1952, il mis en scène lui-même son propre script Hangman's Knot / Le relais de l'or maudit, un western, plutôt faible de mémoire, avec Randolph Scott et Donna Reed (dvd dispo). Mais c'est pour la télévision que Roy Huggins fera son travail le plus illustre puisqu'il sera le créateur de la série Maverick (avec James Garner et dans lequel Louise Fletcher fit ses débuts) et surtout surtout du Fugitif, l'une des plus illustres séries de tous les temps dans lequel sont d'ailleurs combinés des éléments du film noir (un homme victime d'une machination et de circonstances qui le dépassent) et même un peu du western (l'errance d'un solitaire au cœur de l'Amérique).

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Mais revenons à I Love Trouble, une autre histoire de machination crapuleuse, d'ailleurs. Le film met en scène Franchot alias Tone Stuart Bailey, un détective de Los Angeles.
Petit aparté : le détective Stuart Bailey sera d'ailleurs repris dans Girl on the Run / Le témoin dangereux réalisé par Richard L. Bare en 1958 ainsi que dans la série TV 77 Sunset Strip, toujours d'après un scénario de Roy Huggins.

L'argument :
Un homme riche (le solide Tom Powers) engage Stuart Bailey, un détective privé, pour enquêter sur le passé de son épouse. Le détective découvre qu'elle a été danseuse et qu'elle a vécu dans sa ville natale avec un acteur. Ce dernier est tué avant d'avoir pu parler à Stuart mais, avec l'aide d'une danseuse, le détective apprend que l'épouse avait utilisé les papiers dérobés à une amie pour entrer à l'université après qu'elle a volé 40 000 $ dans le night club où elle travaillait. Stuart apprend par la suite que le mari a tué son épouse quand il a découvert son passé afin d'éviter un scandale et qu'il doit servir de bouc émissaire.

On est ici totalement dans l'esprit et la tradition de Raymond Chandler et ce film fera inévitablement penser à The big sleep / Le grand sommeil réalisé par Howard Hawks à peine deux ans auparavant ainsi qu'à Murder, My Sweet, l'autre Marlowe, avec Dick Powell. Même ambiance, même enquête d'un détective de L.A. qui se trouve tour à tour manipulé et aux prises avec de jolies filles. Et l'histoire est bien sûr bien alambiquée, l'essentiel étant dans l'ambiance.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la comparaison entre Humphrey Bogart/Dick Powell/Philip Marlowe et Franchot Tone/Stuart Bailey n'est pas du tout en défaveur de Franchot Tone, bien au contraire. L'acteur y est extrêmement convaincant en détective privé, y compris avec toutes ces dames qu'il rencontre ou séduit au cours de l'enquête.
Tel Bogart avec Martha Vickers et Dorothy Malone, Franchot Tone passe de fille en fille, au point qu'on s'y perd un peu par moments : en premier lieu la très belle Janet Blair (My Sister Eileen) qui sort du lot, mais aussi Janis Carter (Framed avec Glenn Ford, chroniqué ici), Adèle Jergens (vue notamment aux côté de Marilyn dans Ladies of the Chorus), Lynn Merrick, Claire Carleton, Roseanne Murray (on s'y perd d'ailleurs un peu parmi toutes ces mauvaises filles plantureuses). Il y a aussi la piquante Glenda Farrell (Le Petit César, Lady for a Day) plutôt là pour apporter de la légèreté et son comique naturel au récit.

Franchot Tone se révèle franchement à son aise dans le noir, lui qu'on avait surtout vu dans des rôles romantiques et des comédies (il avait tout de même déjà officié dans le genre, dans Les mains qui tuent/Phantom Lady de Siodmak en 1944). Il use quand il faut de son air coquin ou bien fait des sous-entendus. Les dialogues sont gratinés, ce qui permet au film de ne jamais être pesant. D'autant plus qu'il n'est pas le seul. Il y a par exemple un passage surréaliste avec une serveuse loufoque (Roseanne Murray) ou encore cet échange entre Curtis pointaint un flingue vers Franchot Tone/Bailey et qui lui sort : “this is a gun in my hand” ce à quoi Bailey répond nonchalamment : “yeah, I’ve seen one before” (on se croirait dans La rivière rouge lors du concours de tir..).

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La réalisation de S. Sylvan Simon est inspirée et souvent audacieuse. Le réalisateur (mort prématurément trois ans plus tard après un nouveau film avec Janet Blair sur un nouveau scénario de Roy Huggins, The Fuller Brush Man) se montre très prometteur.
Outre le beau travail sur les ombres grâce à la photo travaillée de Charles Lawton Jr. (le visage d'une victime éclairée dans la nuit par les lueurs du quai, par exemple), on a droit successivement à des plans suggestifs (un meurtrier dont on ne voit que le revolver), de beaux split screens lors des appels téléphoniques, des mouvements de caméra et des panoramiques délicats.
De jolis plans aussi, comme ce moment où Franchot Tone se réveille sous un lit (où il s'était caché exténué) avec deux chaussures à talon de femmes sous le nez, superbe idée de mise en scène.
A noter également quelques effets "spéciaux" originaux, comme l'effet tourbillon de l'image pour renforcer l'étourdissement de Franchot Tone lorsqu'il est estourbi un John Ireland alias Reno assisté - excusez du peu - par Raymond Burr l'homme de fer en personne.. un peu too much pour le frêle Franchot Tone!

Le film n'est pas que léger loin de là et quand ça cogne, ça cogne dur. Comme dans les meilleurs noirs.

L'image est en triste état et je ne sais pas si on aura droit à un dvd restauré (je dis bien restauré) un jour. Mais c'est le cas de tellement d'autres, comme Pitfall (1948, de Toth avec Dick Powell et Lizabeth Scott), Fear in the Night (1947, dispo en DVD mais non restauré, Le Maître du gang / The Undercover Man (Glenn Ford, un dvd tout juste correct), Impact (1949, de Lubin avec la garce Helen Walker), The Gangster (1947, avec Barry Sullivan), et donc Too Late for Tears (Dan Duryea et aussi Arthur Kennedy) attendent également leur tour...

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