mercredi 23 octobre 2013

Grand Méchant Loup appelle "Father Goose" (1964)


Cette petite comédie sur fond de seconde guerre mondiale dans le Pacifique est sans prétention et pourtant qu'est-ce que ça fait plaisir de découvrir Cary Grant dans un film que l'on n'a pas déjà vu et revu!

Toujours aussi à l'aise dans ce registre et pour son avant-dernier film, Cary Grant forme ici un couple de comédie formidable avec Leslie Caron que l'on apprécie elle de voir dans un rôle de femme (loin de Lili et Gigi ou encore Fanny). Les deux acteurs sont irrésistibles et au meilleur de leur forme.

L'argument est proche de celui du Sauvage de Rappeneau, à savoir celui d'un vieux misanthrope alcoolique et irascible (pléonasme) qui ère sur une île déserte mais qui doit bon gré mal gré faire avec l'arrivée soudaine d'une institutrice suivie de ses élèves qui tente de fuir les Japonais.


Les blagues et situations sont souvent faciles mais l'alchimie fonctionne tellement bien entre ces deux stars que c'est un bonheur à regarder (avec des enfants, ça marche encore mieux).

mardi 22 octobre 2013

La Grande Dame et le Mauvais Garçon "Nob Hill" (1945)



Moitié drame, moitié musical (comme on dit désormais), cette réalisation de Henry Hathaway bénéficie d'une reconstitution absolument somptueuse.
Nob Hill est ce quartier aisé de San Francisco où résidaient à la fin du XIXe siècle (avant le séisme de 1906) les grandes familles de San Francisco (il est d'ailleurs parfois appelé « Snob Hill »). Dans ce quartier célèbre furent également tourné Vertigo, Bullitt et L'inspecteur Harry).
En fait, le film se passe bien davantage à Barbary Coast, autre quartier célèbre mais pour une raison opposée, puisqu'il fut le royaume du jeu, du crime et de la prostitution qui s'y développèrent lors de la ruée vers l'or.

Henry Hathaway, ici dans un genre plutôt étonnant, a semble t-il eu de gros moyens pour offrir une réalisation vraiment luxueuse avec de très beaux décors et de magnifiques costumes (l'essentiel de l'action se déroulant au sein du cabaret-saloon) offrant de fait un festival de couleurs grâce à un magnifique technicolor.
Côté distribution, outre Joan Bennett et George Raft, il y a la belle rousse Vivian Blaine (vue dans Guys and Dolls) qui était également une bonne chanteuse et qui pousse la chansonnette à plusieurs reprises ici (dont "I Don't Care Who Knows It", malheureusement les chansons ne sont pas grandioses, dommage que de plus grands auteurs du Great American Songbook ne furent pas engagé pour l'occasion..).
La Fox avait d'ailleurs pour ambition avec ce film de promouvoir Vivian Blaine ainsi que la très jeune Peggy Ann Garner (vue dans Jane Eyre) au rang de star, négligeant quelque-peu ses stars vieillissantes et en particulier George Raft qui n'apprécia pas vraiment et quitta le tournage rapidement.


L'argument :
George Raft tient le rôle de Tony Angelo, gérant d'un saloon dont la vie bien organisée avec à ses côté Vivian Blaine,  est soudainement perturbée par l'arrivée de Katie, une jeune fille immigrée d'Irlande à la recherche d'un oncle (décédé) et qu'il héberge et  se prend d'affection paternelle. Et surtout par la rencontre de la très mondaine Harriet Carruthers (Joan Bennett de nouveau dans un rôle de séductrice et dont ce fut la quatrième collaboration avec Raft) par l'entremise de la jeune Katie issue du milieu bourgeois de Boston et dont il croit pouvoir conquérir avant que sa différence de classe se rappelle à lui.
Argument maintes fois exploité par Hollywood mais qui fonctionne toujours aussi bien ici.
L'ambiance de ce film est typique de l'immédiat après-guerre américain et de fait m'a fait penser aux rôles de Doris Day de cette période (Tea for Two, et surtout  La femme aux chimères dont une partie de l'intrigue, avec Lauren Bacall,  est très proche de ce que je décrivais plus haut justement).


Le film fut l'un des succès de l'année 1945 et pourtant il fut peut-être le dernier gros film en tête d'affiche de George Raft (d'ailleurs excellent, notamment en homme brisé) dont la carrière déclina peu à peu. Dès lors, on le vit de plus en plus dans des caméos de luxe façon De Niro d'aujourd'hui (Some Like It Hot et Le Tombeur de ces dames dans une scène d'anthologie aux côtés de Jerry Lewis). Fallait pas refuser Le Faucon maltais aussi George..

L'affaire Macomber (1947, Zoltan Korda)

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Chasseur blanc, cœur noir!

L'affaire Macomber (1947) est l'adaptation d'une nouvelle d'Hemingway ("The Short Happy Life of Francis Macomber") dans lequel on retrouve une nouvelle fois Gregory Peck (après Les neiges du Kilimandjaro) dans un rôle de chasseur en Afrique.

Le film est construit en flashback et commence par la mort d'un homme dans de curieuses circonstances lors d'un safari.

Joan Bennett et Robert Preston forment un couple parti en safari alors que leur relation bat de l’aile, et engagent un expert de la chasse (Gregory Peck) pour les guider.

Un an après La rue rouge et trois après La femme au portrait, Joan Bennett est une nouvelle fois fascinante en femme fatale dans cette réalisation Zoltan Korda. L'ambiance est d'ailleurs assez proche du film noir (le noir et blanc et la musique de Miklós Rózsa amplifiant cette impression de "noir dans la brousse"). On pense également et bien évidemment à Mogambo de John Ford qui sera tourné six ans plus tard.
Mais à la différence des films précédents, Joan Bennett est cette fois-ci non plus dans un rôle de fille facile peu raffinée comme chez Fritz Lang mais dans celui d'une bourgeoise humiliant et rabaissant constamment son mari, le méprisant pour ses lâchetés et la déception de la vie maritale avec un homme qu'elle n'a pas réussi à changer et qui tente en vain d'imposer "sa" suprématie masculine. Face à Joan Bennett, n'est pas Dan Duryea qui veut!


Le rôle du mari est incarné à la perfection par un Robert Preston absolument parfait en homme falot, immature et lâche mais pourtant conscient du mépris de sa femme à son égard et de ses propres faiblesses. Il devra prouver sa virilité (Hemingway confiait que pour un homme le problème en amour était "l'influence amollissante de la femme"...) face à un Gregory Peck qui tente lui de rester froid devant les avances de Madame (un rôle de solitaire fuyant les femmes et de fait les attirant façon "Can't live with them, Can't live without them" qui aurait parfaitement convenu à Robert Mitchum)..

J'utilise le mot mépris volontairement. Car ce film m'a fait furieusement penser au Mépris réalisé bien plus tard par Jean-Luc Godard (avec Fritz Lang d'ailleurs). On y retrouve toute la misogynie et la misanthropie d'Hemingway. Bref. Vraiment jouissif !

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Le long des trottoirs (1956, Léonide Moguy)

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Le long des trottoirs (1956)

Ce film offre de très belles scènes du vieux Paris et rien que pour cela il mérite d'être vu (comme Paris Blues, d'ailleurs) et une réalisation très soignée. Danik Patisson est une belle découverte, personnellement, et Anne Vernon confirme tout le bien que je pensais d'elle (après Edouard et Caroline).
L'histoire apparait quelque-peu (voir très) datée et on a parfois l'impression d'être dans Les misérables. Néanmoins la très belle fin fait passer la pilule, le réalisateur apportant un réel point de vue et une certaine ironie. Du beau cinéma réaliste.

lundi 21 octobre 2013

9 mois ferme (2013, Albert Dupontel)


Belle réalisation particulièrement soignée pour cette comédie, c'est si peu courant que cela m'a frappé jusqu'au beau générique final.
Jamais Dupontel n'avait été aussi proche de ce qu'il fut durant sa période sketchs. Beaucoup de clins d’œils à ceux-ci d'ailleurs (La plaidoirie).
Après son duo avec Catherine Frot, celui-ci avec Sandrine Kiberlain marche tout autant, avec un peu moins de férocité et un peu plus de tendresse. Décidément, la paternité et la maternité (la "ptite maman" et maintenant le rejeton) sont des thèmes qui lui sont chers et j'apprécie beaucoup cette nouvelle direction thématique qui lui permet de se renouveler au-delà de ses thèmes de prédilection (les flics et les voyous, la justice..).

samedi 19 octobre 2013

Une affaire troublante "Personal Affair" (1953, Anthony Pelissier)

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Ce film globalement réussi fait beaucoup penser au récent La chasse avec Mads Mikkelsen (ou aux Risques du métier avec Jacques Brel). Le sujet de la pédophilie aurait à mon avis été pratiquement impossible à traiter en 1953, et dans ce Personal Affair il est question d'une relation ambiguë entre un enseignant et une jeune fille de 16-17 ans environ. Le film "La rumeur" avec Audrey Hepburn et Shirley MacLaine traite également du même sujet de.. la rumeur justement et des réactions des divers protagonistes face à elle.

Glynis Johns (Mrs Banks dans Mary Poppins) joue très bien la jeune fille amoureuse de son professeur. Physiquement elle m'a furieusement fait penser à Donna Pescow (Annette dans La fièvre du samedi soir).

Gene Tierney joue le rôle de la femme du professeur. Son visage est encore très beau mais il est vrai que le rôle lui convient parfaitement à ce stade de sa carrière (et de sa vie) car l'on voit surgir de temps en temps une ride au front, soulignant d'autant plus la souffrance du personnage (et de la femme)..

jeudi 10 octobre 2013

La vie d'Adèle (2013, Kechiche)

La vie d'Adèle, enfin la voilà..

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Depuis le temps qu'on parlait de ce film sans l'avoir vu (et ce n'est pas un soucis pour moi tant que l'on parle de prix supposés, des relations entre les protagonistes du tournage, des acteurs, mais qu'on ne porte pas de jugement à l'avance sur l’œuvre), je peux enfin passer au chapitre 2 et bel et bien parler du film que j'ai donc vu aujourd'hui même après tant d'attente et de mauvaises augures.
Contrairement à ce que l'on pouvait craindre, dès les premières images, les polémiques sont oubliées et l'on a plus d'yeux que pour Adèle, ses chagrins, ses doutes, ses joies et ses douleurs..

Première chose : La vie d'Adèle est bel et bien une œuvre en deux parties, la première beaucoup plus enthousiasmante et prenante que la seconde d'ailleurs, ayant effectivement regardé pour la première fois ma montre au bout de deux heures et quart, ressentant à ce moment là comme un coup de mou, une forte baisse d'intensité, avec des scènes que je ne qualifierai pas d'inutiles mais de non indispensables, en particulier toute la partie "institutrice".

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Ces deux premières heures sont donc très fortes et contiennent des moments très intenses au point que l'on croit éprouver tous les tourments intérieures de cette jeune fille qui se cherche tant émotionnellement que sexuellement.

Je préviens que je continue mon propos avec quelques éléments révélant le récit en italique, même si on est pas dans un thriller à tiroirs, donc je ne révèle rien de transcendant sur l'histoire..

Le film m'a surpris dans la mesure où je m'attendais aux passages inévitables jusqu'à présent dans tous les films traitant au premier plan de l'homosexualité : le coming out, le rejet (ou non) par les proches, les réactions des parents etc. Il y a bien sur la scène très forte de la cour de récréation (en partie vue et re-revue dans la bande-annonce d'ailleurs ce qui est un peu dommage), mais finalement Kechiche décide de s'arrêter là et de ne pas creuser dans ces sillons vus et revus. On ne verra donc plus les "faux amis" homophobes. C'est dit, c'est fait, on passe à autre chose.

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Et c'est là l'une des grandes forces du film justement, de traiter cette histoire d'amour homosexuelle presque comme une histoire d'amour classique. Du coup, je vois bien les reproches de certains qui diront que cette histoire somme toute banale, traitée avec un couple hétérosexuel, n'aurait eu aucun intérêt. Mais le fait est que oui, c'est une histoire d'amour homosexuelle et que lui enlever ça lui enlèverait toute sa substance.

Dans cette première partie, Adèle ado se cherche, se révèle a elle-même puis passe par l'initiation et la découverte.
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Adèle Exarchopoulos crève l'écran.
C'est LA révélation de l'année et la fille la plus sensuelle que j'ai vu dans le cinéma français depuis des lustres (avec également Déborah François dans un tout autre genre, plus subtile mais certainement moins nature). Je lui prédit une grande carrière si d'autres réalisateurs lui offre à terme autant d'attention et l'occasion d'élargir son répertoire dans des rôles de femme plus mûre ou plus éloignée de sa personnalité.
Pourtant une certaine vulgarité lors de ces interviews m'avait fait un peu peur, mais cet aspect apparaît nettement moins dans le film et passe quoiqu'il en soit au second plan derrière son jeu plein de nuances. D'aucuns pourront trouver qu'elle pleure beaucoup. Il suffit pourtant d'avoir un peu d'empathie et quelques souvenirs des tourments de la vie adolescente pour le comprendre. Et puis il n'y a pas que cela, loin de là. Le désir féminin exprimé comme rarement, la colère, la timidité, l'innocence, l'hésitation, la tristesse, tout y passe filmé en gros plan par un Kechiche amoureux.

Face à ce festival de sentiments exacerbés, Léa Seydoux tient une partition moins étendue mais compose tout de même un caractère intéressant de pygmalion plus sûr d'elle-même et de ce qu'elle veut, et plus mature. C'est aussi sur elle tout entière que repose le postulat d'homosexualité.

Je poursuit par l'évocation des scènes chez les parents d'Adèle dans lesquelles j'ai ressenti beaucoup d'ironie de la part de Kechiche sur cette famille de français moyens quelque-peu conservateurs. En outre, la scène de repas familial filmée en gros plan est assez déconcertante au premier abord, faisant par moments ressembler Adèle à Jacquouille la Fripouille, léchant son couteau, mâchant les spaghettis, s'essuyant la bouche avec les mains ... ces spaghettis qui reviennent d'ailleurs un peu plus tard, lorsqu'Adèle reçoit dans son propre appartement, comme pour mieux évoquer le poids de l'éducation familiale.
Adèle a beau s'élever par ses lectures et ses rencontres, elle n'en reste pas moins marquée par son milieu d'origine et ses mauvaises manières..

Puis vient la séquence de présentation d'Emma aux parents d'Adèle qui ne voient pas ce qu'ils ne veulent pas voir. Très réussie et plutôt réaliste, cette description féroce manque un peu de la tendresse que l'on peut trouver chez d'autres cinéastes (chez Michel Leclerc ou Anne Le Ny par exemple). Kechiche est parfois sans pitié. Cette fameuse scène de présentation répond à la même scène, étonnante, chez les parents d'Emma où la "situation" est gérée à l'opposé, avec un naturel confondant.
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Il y a aussi les scènes de sexe.

Trois et demie (en tout je dirai) et je me suis interrogé sur l’intérêt de leur longueur et surtout de leur répétition. Bien sûr, ce n'est pas désagréable à regarder, les corps sont beaux et rien n'est "trash" bien au contraire donc je ne vais pas me plaindre.. Des scènes où l'on entend plus aucun bruit dans la salle, que les cris de gémissement d'Adèle et de Léa (pardon d'Emma), et où l'on se sent un peu comme dans une salle de cinéma porno (enfin, j'imagine!) au point d'avoir un peu envie de rire de cette situation.
Cette répétition n'apporte rien au récit sinon une impression de continuité, la vie passant, les années mêmes, ponctuées par des nuits d'amour, des manifs étudiantes (ironie de nouveau ?) et de jours d'école (volontairement étonnants par leur normalité)..
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A la fin de la projection, j'ai tendue l'oreille et trois femmes d'âge moyen évoquaient ces scènes de sexe en disant que c'est la première fois qu'elles voyaient des scènes de sexe féminin. Étonnant d'entendre ça en 2013 finalement et du coup je comprends mieux l'intérêt de ces scènes très crues.
Filmé sans érotisme exacerbé mais absolument sans rien nous cacher (nous épargner diront les puritains), elles banalisent totalement l'acte homosexuel en question, stoppant tout fantasme de perversité. En cela La vie d'Adèle est un film d'utilité publique.

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Loin de m'avoir submergé d'émotion comme on peut le lire ici ou là, je suis donc très content d'avoir vu ce film, d'avoir découvert une superbe actrice en devenir, encore juvénile mais belle et sensuelle comme on aimerait en voir bien plus dans le cinéma français. Un peu long (3h) peut-être, au regard de ce qu'il raconte, mais cette longueur est surement partie prenante du naturalisme essentiel au propos et à la force d'une œuvre marquante.

jeudi 3 octobre 2013

La vie domestique (Isabelle Czajka, 2013)

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La vie domestique (2013)

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Ce film, dans sa grande simplicité scénaristique, est pourtant étonnant. Car rarement au cinéma j'avais ressenti à ce point la réalité quotidienne de notre époque, au point que j'eus devant ce film la très nette impression d'observer la vie domestique des français de 2013. Plus précisément, celle de couples quadragénaires des classes moyennes supérieures de la banlieue parisienne.
A titre personnel, je dois dire que ce sentiment a été renforcé à double titre par le fait que des amis vivent précisément sur les lieux mêmes du tournage (Marne La vallée, Pontault-Combault, Roissy en Brie) et que j'ai découvert avec effarement une scène se passant dans mon propre lycée, celui dans lequel j'ai fait mes études il y a presque 25 ans! Quel choc quand le cinéma et la vie personnelle s'entrecroisent ainsi.. les décors sont volontairement à la fois passe-partout et proches de chacun, et c'était à n'en pas douter le souhait et le pari de la réalisatrice.

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Si ces extérieurs sont pour tous français particulièrement familiers (parcs, aires de jeux, entrées d'écoles et centres commerciaux), il en va de même des intérieurs. Car ceux-ci se ressemblent presque tous comme semble nous le dire Isabelle Czajka, entre Roche & Bobois et Ikea, écrans plats et grandes baies vitrées, électroménager dernier cri (voir le clin d’œil acerbe et drôle sur le café en capsules), murs sans âme et décoration minimaliste.

S’occuper des enfants, faire les courses, organiser un dîner et autant de taches quotidiennes invisibles.. Isabelle Czajka décrit une journée type d'une femme au foyer (et partiellement de ses voisines) avec un oeil particulièrement acéré, parfois moqueur (les scènes sur le canapé), parfois un peu désabusé mais sans jamais tomber dans la facilité ou le jugement. Elle filme ces femmes comme elle filme la France, sans se voiler les yeux et sans complaisance devant les médiocrités des uns et des autres.

D'emblée, la première scène, un dîner semi-professionnel à la fois très drôle et féroce, emporte l'adhésion et nous situe immédiatement dans l'époque. Si dans 50 ans on voudra se rendre compte comment vivaient et pensaient les gens des années 2010, ce film sera sans aucun doute un document historique d'une grande valeur. Car il ne se passe rien d'extraordinaire ici. Juste la morne et simple réalité d'une journée ordinaire de personnes ordinaires.

Unité de lieu et de temps sur 24 heures, c'est peut-être là du coup la seule limite du film, ce manque total de fiction et le sentiment d'être Big Brother, d'observer, bien assis dans son fauteuil, ses congénères avec curiosité et un peu avec horreur et tristesse.

On se reconnait, on reconnait ses proches, on juge, on compatit devant le miroir que tend la réalisatrice sur la France contemporaine.
Certaines séries (Fais pas ci, fais pas ça) ou téléfilms essayent souvent de décrire cette réalité mais de façon grossière et avec une obligation comique déformante. Ici tout semble plus vrai que vrai. Ce qui est absolument étonnant est que La Vie domestique est tirée du roman anglais Arlington Park de Rachel Cusk. Et l'on se demande avec étonnement et peut-être un peu de tristesse comment l'adaptation d'un roman étranger peut donner lieu à un film aussi proche de nous..

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Emmanuelle Devos, Julie Ferrier, Natacha Régnier et Helena Noguerra, toutes très justes forment les différentes facettes de la femme au foyer (entre lucidité, complexes d'infériorité, un certain "bonheur" et des souhaits d'activités plus valorisantes).
A ce quatuor, il faut ajouter la grand-mère incarnée par une Marie-Christine Barrault absolument formidable dans une scène qui permet d'élargir le tableau et de donner de l'ampleur au propos. Il manque peut-être quelques femmes actives ici pour que le portrait de la bourgeoise moderne soit encore plus complet et plus juste mais cela aurait sans doute nuit à la thématique du film.

Du côté des hommes, qui en prennent pour leur grade, c'est Laurent Poitrenaux qui incarne avec finesse les petites lâchetés, les maladresses blessantes et les facilités de l'homme actif fasse aux préoccupations conjugales et familiales. La scène finale répondant à la première et le film se clôturant sur un plan du visage éteint d'Emmanuelle Devos après une journée remplie d'espoirs déçus, de déceptions, de paroles blessantes et de petites humiliations..

Un grand film sur la France contemporaine.

Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Film ovni, dont je ne sais encore exactement quoi penser entre la tension (volontairement agaçante) provoquée par le huis-clos et cette histoire de voisins encombrants (Silvana Mangano génialement insupportable), la splendeur des décors intérieurs et la profusion de thématiques effleurées, et puis le sentiment que Visconti veut dire beaucoup (trop?) de choses à la fois (la peur de faire son dernier film ?)..
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J'ai trouvé l’interprétation de Burt Lancaster très touchante, celle d'un homme bousculé dans ces habitudes, rappelé tout d'un coup dans le monde contemporain par l'irruption de "cette famille" de nouveaux riches (et en particulier cette femme sans savoir-vivre qui installe son amant dans l'appartement du-dessus).

La peinture substitue à son regard un monde qui s’accorde à ses désirs aurait pu écrire Visconti en guise de préambule..

Il y a beaucoup du Guépard dans ce film, un guépard qui aurait survécu et vivrait encore "de nos jours", enfermé dans son appartement, effrayé par le monde moderne, endormi jusqu'à ce qu'une explosion retentisse..
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