jeudi 7 novembre 2013
Blood Ties (Guillaume Canet - 2013)
L'argument :
New York, 1974. Chris, la cinquantaine, est libéré pour bonne conduite après plusieurs années de prison pour un règlement de compte meurtrier. Devant la prison, Frank, son jeune frère, un flic prometteur, est là, à contrecoeur. Ce ne sont pas seulement des choix de « carrières » qui ont séparé Chris et Frank, mais bien des choix de vies et une rivalité depuis l'enfance. Leur père Léon, qui les a élevés seul, a toujours eu pour Chris une préférence affichée, malgré les casses, la prison... Pourtant, Frank espère que son frère a changé et veut lui donner sa chance : il le loge, lui trouve un travail, l'aide à renouer avec ses enfants et son ex-femme, Monica. Malgré ces tentatives, Chris est vite rattrapé par son passé et replonge...
Après quatre films en tant que réalisateur, si je devais retenir un seul élément du cinéma de Guillaume Canet ce serait son amour évident des acteurs et des actrices (et à la manière d'un Lelouch, on sent son regard amoureux lorsqu'il filme les femmes et en particulier ses compagnes, qu'il s'agisse de Diane Kruger dans Mon idole ou de Marion Cotillard dont il se délectait déjà visiblement de la voir faire la "chieuse" dans Les petits mouchoirs et de nouveau dans ce Blood Ties en ex-femme dépitée de l'ex-taulard Clive Owen).
Première chose : Blood Ties pâtit un peu d'un manque d'originalité sur un sujet (fratrie et mafia) si souvent traité et en particulier de l'ombre envahissante de James Gray et de son puissant et tendu We own the night. Je pense aussi au Prix de la loyauté (avec Edward Norton, Colin Farrell, et déjà Noah Emmerich) et bien sûr aux Liens du sang dont il est le remake au scénario beaucoup plus étoffé et dont on oublie vite la parenté (seul la scène du bar à frites à retaper m'est revenu en mémoire).
De fait Blood Ties manque quelque peu de surprise et de rythme dans sa première partie pour emporter l'enthousiasme. Canet prend en effet son temps pour mettre en valeur chacune de ses stars et ses nombreux personnages secondaires, et cela n'est pas sans effet sur le rythme et la durée du film. D'autant plus que les scènes d'action ne sont pas si nombreuses et sans grande envergure (manque de moyens financiers ou d'autorisations pour filmer de telles scènes à New-York ?). Dommage. Même si personnellement, cette langueur ne me dérange pas du tout. Mais il manque peut-être une grande scène d'action pour prendre totalement aux tripes et ajouter un peu de tension au récit.
Si ses moyens étaient limités (n'oublions pas qu'il s'agit avant tout de financements français), on ne se plaindra pas pour une fois de les voir utilisés à bon escient et avant tout au profit d'une reconstitution 70's impeccable - voitures cools et décors extérieurs somptueux, intérieurs tristes à mourir - et pour un casting de premier choix!
En premier lieu, Clive Owen absolument énorme, à la fois cool, charmant (ce sourire final notamment..) et sans pitié lorsque son tempérament sanguin et explosif de malfrat ressort. Billy Crudup est également bon et sobre comme à son habitude et donne le change tout comme James Caan qu'on n'avait pas revu à pareille fête depuis Dogville et The Yards). A mon sens, Canet a compris que la relation entre les deux frères n'avait pas besoin d'être développée davantage, le jeu des acteurs suffisant amplement à combler les vides du récit et de leur passif.
Côté féminin, Zoé Saldana est absolument magnifique, sensuelle et émouvante (on est loin d'Avatar), Mila Kunis un peu en retrait en raison d'un rôle peu intéressant. Quant à Marion Cotillard, elle est plutôt bien mise en valeur, il faut le dire, en particulier dans ce très beau plan aguicheur dans un bar à p... sur fond de papier-peint rouge-bordeaux qui m'a furieusement rappelé celui derrière Madeleine/Kim Novak dans Vertigo lorsque Scottie l'observait.. (référence ?). Ici c'est Clive Owen qui la regarde alors avec désir, très probablement celui de Canet pour sa compagne.
En revanche, je suis plus circonspect sur son accent plutôt surprenant pour les spectateurs français.
Le casting de seconds rôles est tout aussi fantastique avec toutes ces gueules issues des meilleures séries TV (Les Soprano, The Wire, Entourage, Six feet under), sans oublier Noah Emmerich et un Griffin Dunne vieillissant.
Un mot sur la photographie, très travaillée et pensée, très pale (notamment dans les intérieurs) et sombre. Les plans serrés accentuant l'impression d'étouffement et d'absence d'échappatoire des personnages. C'est d'ailleurs le sujet principal du film à mon sens.
Enfin, j'évoquerai une bande-son plaisante (Sam Cooke, The Rubbetts, Tommy James & The Shondells) bien qu'un poil trop présente par moments (je pense aux scènes de "drague" entre Crudup et Saldana).
En résumé : Guillaume Canet a une Ferrari entre les mains avec en premier lieu un casting de rêve, mais se montre prudent et conventionnel, totalement dans la retenue et la non-surenchère (d'action, de rythme et d'originalité) ce qui pourra décevoir un public moderne qui demande à être toujours plus étonné. Son seul défaut à mon sens est d'être arrivé après les autres. Déjà vu. Oui, mais ça n'empêche pas le plaisir.
Malgré ses petits défauts, il y a tellement de belles choses à l'écran (de la gueule de Marion Cotillard au dernier sourire magnifique de Clive Owen) pour faire de Blood Ties un film vraiment attachant, que ce film, j'en suis persuadé, vieillira très très bien.
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