vendredi 25 septembre 2015

Viviane Romance dans : Naples au baiser de feu (1937)

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Naples au baiser de feu (1937)


Réalisation : Augusto Genina
Adaptation : Henri Jeanson, Marcel Achard, Ernesto Grassi.
Avec : Tino Rossi (Mario), Mireille Balin (Assunta), Michel Simon (Michel), Viviane Romance (Lolita), Marcel Dalio (Francesco)


Adaptation libre d'un roman d'Auguste Bailly, paru en 1924 et déjà adapté une première fois à l'écran en 1925 (un film de Serge Nadejdine), Naples au baiser de feu est un drame sentimental joué comme une comédie. Et c'est surtout un pur bonheur, une perle de film injustement oubliée.

Le film s'ouvre sur le personnage de Lolita (Viviane Romance) passagère clandestine d'un paquebot arrivant dans le port de Naples en provenance d’Amérique du Sud. On sait dès la première seconde le genre de "fille" auquel on a à faire : une "aventurière", une fille de petite vertu, prête à tous les mensonges et compromissions pour embobiner les hommes.
Apparaissant dos nu en train de s'habiller dans une cale de la salle des machines tandis que l'ouvrier (noir, détail probablement pas innocent pour l'époque) qui l'a hébergée et qui fut vraisemblablement son amant durant la traversée, vient la prévenir que le bateau est à quai.
Il cherche à la retenir mais elle n'a manifestement plus besoin de lui et s'en va déambuler dans les rues de Naples à la recherche d'un autre gogo. Ce ne sera pas dur, tous les hommes se retournant à son passage.

Il y a du Marilyn Monroe dans la façon de marcher et du Brigitte Bardot avant l'heure chez Viviane Romance. Elle connait son pouvoir de séduction et elle connait les hommes. Elle en joue et s'en amuse (son rire moqueur - toujours face aux hommes - est devenue un peu sa marque de fabrique).
Son personnage est dans la parfaite continuité de celui de la garce briseuse d'amitiés masculines de La belle équipe. En plus élaboré et plus sympathique aussi. L'actrice a cette fois l'occasion d'aller au delà du stéréotype et de développer un vrai personnage sans argent, papillonnant et passant d'homme en homme pour mener sa barque.

A son arrivée à Naples elle se rend à la cathédrale, lieu idéal pour trouver quelqu'un tout en se donnant des allures d'honnête fille. Michel Simon y est organiste et tombe immédiatement dans le panneau. Pris de pitié pour celle qu'il imagine être une honnête fille sans défense, il l'héberge dans l'appartement qu'il partage avec son ami Mario, playboy chanteur de restaurant (trattoria) et potentiellement gigolo pour lequel toutes les filles tombent en pâmoison.

Tourné en partie dans de véritables décors de la baie de Naples, le film a une petite touche d'authenticité et un charme pittoresque indéniable que la réalisation sage, même épurée de Genina n'aurait sans doute pas pu produire dans le cas contraire. Mais la réalisation est soignée : direction d'acteurs impeccable, éclairages somptueux pour les scènes d'intérieur, musique de Vincent Scotto appuyée des classiques intemporels napolitains, et surtout des dialogues particulièrement bien écrits, souvent très drôles et vivants d'Henri Jeanson.

C'est d'autant plus vrai que le casting français se fond parfaitement dans le décor, en partie grâce à la présence du corse Tino Rossi jouant un personnage fait sur mesure pour lui de latin lover et de surcroit chanteur napolitain. Ce qui lui donne surtout l'occasion, comme fera plus tard Elvis Presley, d'interprêter ses succès franco-napolitains entre deux courtes scènes de comédie, heureusement pour lui : "Tarantelle D'Amour", "Santa Lucia", "Mia Piccolina", " Catari, Catari", "Rien qu'un chant d'amour", "Écoutez les mandolines" ou encore, moment savoureux, un "O Sole Mio" repris (saccagé en fait) par Michel Simon, c'est à voir!

Si le film met en avant la super vedette du music-hall (Tino Rossi est le seul nom à apparaître au générique avant le titre du film), Naples au baiser de feu est un vrai film et pas un simple prétexte pour exploiter sa popularité. Aussi le scénario ne tourne heureusement pas autour du fade Tino Rossi, beau gosse (à cette époque bien loin de l'image du pépé papa Noël immortalisée), acteur limité mais chanteur au succès démentiel (il est recordman absolu des ventes de disques et le seul français à rivaliser avec Elvis, les Beatles ou Michael Jackson parmi les plus gros vendeurs mondiaux de disques toutes époques confondues).

Autour de lui c'est la fête avec quelques-uns des tout meilleurs acteurs de l'époque :

Michel Simon (qui tient ici un rôle proche de ce que pouvait faire Fernandel chez Pagnol -le film a d'ailleurs un côté Femme du Boulanger inversé, celui du bon gars brave et un peu naïf qui se fait avoir par les femmes), Dalio truculent en photographe aussi excité par sa voisine de balcon qui lui fait du gringue que pleutre et terrorisé par Tino/Mario lorsque ce dernier s'en rend compte, la délicate et classieuse Mireille Balin dans un rôle à contre-emploi puisqu'elle abandonne son personnage de femme fatale (éprouvé dans Gueule d'amour, Pépé le moko, et plus tard dans L'assassin a peur la nuit..) pour jouer la gentille fille face à la bombe sexuelle Viviane Romance qui crève l'écran et s'impose alors définitivement alors comme la superstar féminine de l'époque. Leur unique confrontation fait d'ailleurs immédiatement des étincelles, sage fiancée et fille de mauvaise vie se jaugeant au premier coup d’œil.

Mais tandis que Michel intercède auprès de la tante Thérésa (et accessoirement patronne du trattoria) afin de négocier la main et la dote d’Assunta/Mireille Balin pour lui, Mario cède peu à peu devant les avances et les charmes de Lolita. Assunta ne s'y trompe pas : inquiète, elle fait avancer la date du mariage. Le jour des noces, il disparait avec Lolita, brisant amour et amitié par la même occasion. Rapidement il comprend qu’il s’est trompé…

Michel / Michel Simon : Comment la trouves tu ?
Mario / Tino Rossi : Et toi comment l'as tu trouvé ?
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Le personnage de Lolita "ne vit que pour être désirée" comme lui dit un Tino/Mario jaloux avant de tabasser un type parce qu'il la regarde de manière un peu trop insistante.

Le charme et la sensualité naturelle de l'ex Miss Paris font des étincelles dans un de ces personnages de garce allumeuse dont on lui avait fait une spécialité. Elle est délicieusement sexuelle : silhouette parfaite, poses suggestives, yeux aguicheurs, démarche et voix sexy, passant une nouvelle fois beaucoup de temps dans sa tenue favorite : sous-vêtements et porte-jarretelles légendaires (qui marquèrent à vie le jeune Gilles Jacob comme il le relata lui-même dans son livre «Les Pas perdus» ...c'est comme ça que naît la cinéphilie).

On aura jamais vu un tel érotisme dans le cinéma français de cette époque.
Viviane Romance s'installait alors comme la vamp française n°1, sans égale jusqu'à l'arrivée 20 ans après du phénomène Bardot, version femme enfant au corps parfait d'une même sexualité émancipée.

"Partout où j' allais ma présence créait des scandales" dira t-elle plus tard. Sa carrière qui était sur le point de franchir un nouveau cap en 1939 avec un Marcel Carné (Le Facteur sonne toujours deux fois) et un Renoir (La Tosca avec Michel Simon dont le tournage aurait du se faire en Italie) qui étaient prévus, subit un coup d’arrêt avec l'entrée en guerre. C'est d'ailleurs Michel Simon qui exigea la présence de Viviane Romance dans la distribution du film, condition pour accepter d'être le partenaire de Tino Rossi dont il n'appréciait guère les qualités d'acteur. A la libération, sur la demande de Julien Duvivier, c'est elle cette fois-ci qui dût convaincre Michel Simon d'accepter d'être le Monsieur Hire de Panique. Les deux monstres sacrés avaient une admiration réciproque.
Leur complicité est d'ailleurs évidente à l'écran, il fait le mariole (tours de passe-passe et massacre de O Sole et mio) et la fait rire. Quant à Dalio, il avoua dans ses mémoires qu'il désirait Miss Romance mais qu'elle avait une telle façon de lui dire "Non" qu'il lui était impossible de réitérer sa demande. Source: Henri Danty

Tino Rossi et Mireille Balin entamèrent quant à eux une relation amoureuse lors du tournage.
Mireille Balin signa à cette époque un contrat avec la MGM et partit pour les États-Unis. Malheureusement, elle ne s'entendit pas avec les producteurs américains et rentra rapidement en France avec Tino. On sait ce qu'il advint. Sa relation avec lui pris fin en 1941. Sa relation suivante avec Birl Desbok, officier viennois de la Wehrmacht lui sera fatale.

Un nouveau remake, Flame and the Flesh, fut produit, en 1954, par la MGM cette fois et avec une autre bombe sexuelle (vieillissante): Lana Turner, qui semblait destinée à récupérer les rôles tenus ou prévus pour Viviane Romance.

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